Blogue de la mod : Tracer l’avenir des paiements transfrontaliers
Gerry Gaetz, président et chef de la direction, Paiements Canada
De nos jours, on peut envoyer un courriel à peu près n’importe où dans le monde en quelques secondes, ou encore interagir sur des réseaux sociaux qui ne connaissent pas de frontières. Faire un paiement à une personne ou une entreprise à l’étranger? C’est une autre paire de manches. Voilà une situation absurde et un irritant majeur qui, nous le savons, doivent être corrigés.
Une étude récente montre que les fournisseurs de services de paiements ont engrangé des revenus de plus de 206 milliards de dollars[1] grâce aux paiements transfrontaliers mondiaux, principalement les paiements d’entreprise. Au Canada, environ 17 %[2] des consommateurs ont transféré des fonds à l’étranger dans les six derniers mois, surtout aux États-Unis; de ce nombre, près du quart ont envoyé moins de 100 $ par mois[3].
À l’heure actuelle, la plupart des paiements transfrontaliers passent par un réseau de banques, en suivant un processus où peuvent intervenir plusieurs intermédiaires. Pour contourner la situation, ainsi que les délais de traitement des virements et autres méthodes de paiements transfrontalières, qui peuvent s’étendre sur plusieurs jours, beaucoup de grandes entreprises détiennent dans des banques étrangères des comptes servant à régler les paiements urgents. Les administrations publiques, de leur côté, doivent s’associer à une institution financière ou émettre un chèque en devise lorsqu’elles doivent payer des citoyens résidant à l’étranger. Et c’est sans compter les frais de change onéreux que doit souvent assumer le bénéficiaire d’un chèque ou d’un paiement quelconque en dollars canadiens.
Paiements Canada et ses partenaires, suivant leur vision d’un système de paiements modernisé, veulent éliminer ces irritants pour que les paiements transfrontaliers gagnent en rapidité et en commodité. Bien qu’il y ait certains obstacles à la concrétisation de cette vision (harmonisation des écosystèmes, fraude, confidentialité, exigences légales et réglementaires, entre autres), peu seraient en désaccord avec notre aspiration.
Cependant, avant de nous occuper de paiements transfrontaliers en temps réel, il faut d’abord mettre de l’ordre dans notre propre écosystème. Nous devons mettre en place au Canada un système de paiements d’un compte à un autre qui sera plus rapide, en temps réel, avant d’entreprendre un tel projet avec, par exemple, les États-Unis. Il faudra aussi être capable de nous arrimer à d’autres systèmes de paiements grâce à des normes et à des paramètres de fonctionnement communs. Autre nécessité : faire l’examen des changements légaux et réglementaires nécessaires, un des aspects les plus importants et complexes, qui demandera le plus de temps.
Normaliser, apprendre des autres et définir les exigences réglementaires
Dans nos travaux pour moderniser l’écosystème des paiements du Canada, nous plaçons beaucoup d’importance sur l’interopérabilité entre pays, comme le montre bien notre adoption de la norme ISO 20022, la norme mondiale sur les messages de paiement. En effet, l’application à grande échelle de cette norme et l’harmonisation globale que celle-ci permet seront cruciales pour concrétiser tous les avantages du projet. Il ne faudrait pas non plus perdre de vue les autres démarches de normalisation transfrontalière à envisager, concernant notamment les heures de fonctionnement des systèmes de paiements mondiaux détenus par les banques centrales et les exploitants d’infrastructures de marchés financiers. Tout un défi, n’est-ce pas? C’est vrai. Toutefois, ce portrait présente aussi un avantage majeur : ce sont les mêmes fournisseurs qui aident les quelque 50 pays ayant mis en place un système de paiements en temps réel, ou qui le feront prochainement. Ainsi, on observe une uniformité dans la constitution des nouveaux systèmes partout dans le monde, ce qui laisse présager des interactions plus fluides.
Leçons d’ailleurs et situation au sud de la frontière
Mais rassurez-vous, le Canada n’a pas besoin de résoudre d’un coup tous les problèmes de circulation transfrontalière. Certains ont pris les devants avec des exemples qui devraient nous inspirer, comme l’ambitieux projet P27[4], dont le but est d’harmoniser les normes de paiement dans des pays nordiques pour ainsi permettre les paiements instantanés intérieurs et transfrontaliers, en devises de ces pays. Je pense que pour nous, la mise en place des paiements transfrontaliers doit commencer avec notre plus grand partenaire commercial, les États-Unis, qui dispose déjà d’un système de paiements en temps réel (exploité par The Clearing House), et où la Réserve fédérale a récemment annoncé qu’elle créerait un deuxième système national dont le lancement est prévu pour 2023 ou 2024. Les deux pays accordant une même importance au traitement en temps réel, c’est maintenant qu’il faut examiner le modèle d’affaires et les questions légales et réglementaires. Ainsi, lorsque le nouveau système en temps réel du Canada sera fonctionnel (le lancement est prévu pour 2022), nous serons prêts à nous arrimer aux États-Unis et, par la suite, au reste du monde.
Vous voulez en savoir plus? Lisez le résumé informatif préparé par l’équipe de recherche de Paiements Canada pour la série Les paiements sous la loupe, et intitulé « Portrait sommaire de l’évolution des paiements transfrontaliers ».
[1] Global payments 2018: A dynamic industry continues to break new ground, McKinsey & Company.
[2] [3]RFi Group, étude « Canada Payments Council », 2019.
[4] Le nom du projet renvoie à son objectif d’améliorer les paiements pour 27 millions d’habitants de quatre pays nordiques.