Défis en matière de paiement et possibilités pour les petites entreprises : Entrevue avec la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante
Dan Kelly est le président et chef de la direction de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), un organisme sans but lucratif qui représente plus de 97 000 membres. La FCEI se consacre à la création et au soutien d’un environnement où les entreprises réussissent, y compris à la façon dont elles paient et sont payées. Dan Kelly discute des obstacles auxquels se heurtent les entrepreneurs et les petites entreprises dans le secteur en évolution des paiements, des solutions possibles – y compris des changements à la Loi canadienne sur les paiements – et des tendances émergentes en matière de paiements qui transformeront l’industrie.
Quels sont les plus grands problèmes ou défis auxquels les petites entreprises canadiennes sont confrontées aujourd’hui en matière de paiement?
Il ne fait aucun doute que le secteur du traitement des paiements peut être intimidant, déroutant et coûteux pour les petites et moyennes entreprises (PME) canadiennes. Voici quelques-uns des problèmes dont j’entends le plus parler :
Les frais de transaction des systèmes
De nombreuses petites entreprises au Canada sont préoccupées par les frais élevés associés au traitement des paiements, surtout pour les transactions par carte de crédit. En fait, dans un récent sondage, plus des trois quarts des propriétaires de petites entreprises (79 %) ont toujours dit que le coût d’acceptation des cartes de crédit n’était pas viable.1 Les consommateurs canadiens sont maintenant dépendants des points de récompense et de plus en plus de transactions sont effectuées par le biais de cartes de crédit, surtout en raison des pressions inflationnistes sur les budgets des ménages. C’est une bonne nouvelle que le gouvernement fédéral a négocié une nouvelle entente avec Visa et Mastercard afin de réduire les taux d’interchange pour les petites entreprises, mais il y a beaucoup de travail à faire avant l’automne 2024 pour veiller à ce que les économies soient bien redistribuées aux entrepreneurs.
Les barèmes tarifaires complexes
Les entreprises de traitement des paiements ont souvent des barèmes tarifaires complexes comportant divers types de coûts, y compris les frais de transaction, les frais de rétrofacturation, les frais de conformité PCI, les frais mensuels, les frais de cotisation, les frais d’interchange et plus encore. Il peut être difficile pour les propriétaires de petites entreprises de comprendre ces frais et la façon dont ils s’appliquent aux différentes transactions.
La rétrofacturation
La rétrofacturation est un problème croissant pour les petites entreprises, car les consommateurs découvrent des façons d’obtenir des remboursements de la part de leurs émetteurs de cartes de crédit. Bien que les rétrofacturations soient conçues pour protéger les consommateurs contre les transactions frauduleuses ou non autorisées, ils peuvent représenter un défi important pour les petites entreprises. En fait, elles peuvent entraîner des pertes financières. Le propriétaire de l’entreprise se retrouve avec la perte du produit, la perte du paiement et diverses pénalités. Les petites entreprises se sentent souvent impuissantes face à cette situation, même si elles ont pris toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que la transaction est légitime.
La gestion des flux de trésorerie
Bien qu’il existe plusieurs options de paiement pour les consommateurs, le système de cartes de crédit est de plus en plus axé sur les coûts élevés. De nombreuses entreprises de technologie financière offrent d’excellents services à valeur ajoutée, mais elles ajoutent généralement des coûts encore plus élevés au modèle actuel à coût élevé. Nous avons besoin de plus d’options, comme le système de cartes de débit Interac à frais fixes et peu élevés au Canada, qui sert bien les commerçants depuis des décennies. Je suis enthousiaste à l’idée des possibilités offertes par le travail du système de paiements en temps réel (PTR) qui se produit, car nous avons désespérément besoin d’une autre grande innovation pour changer le paradigme des paiements.
Le PTR pourrait enfin offrir l’innovation dont nous avons besoin pour améliorer le système de paiement dans le commerce interentreprises (B2B). La raison pour laquelle de nombreuses petites entreprises continuent d’utiliser des chèques d’entreprise pour se payer est que cette méthode est considérée comme moins coûteuse que d’autres systèmes, tels que les cartes de crédit, et qu’elle fournit une trace écrite des factures correspondantes et des chèques annulés. Je serai très heureux si le Canada se dote d’un système omniprésent pour les transactions interentreprises avec des transactions à frais fixes peu élevés et un échange approfondi de données à l’appui des exigences des vérificateurs de l’ARC. Cela permettrait enfin de réduire la panique au sujet de l’argent et des factures qui sont bloquées dans le courrier pendant les grèves postales, ce qui continue d’être une réalité pour un trop grand nombre de PME au Canada.
La sécurité de l’information et la fraude de paiement
Certains des plus grands défis que pose le traitement des paiements pour les petites entreprises sont liés à la sécurité de l’information et à la fraude de paiement. Du point de vue des petites entreprises, assurer la sécurité des transactions de paiement et protéger les données des clients peut être une tâche intimidante. Bien que de nombreuses entreprises doivent se conformer aux normes de sécurité des données, comme la conformité à l’industrie des cartes de paiement (PCI), la mise en œuvre peut être très coûteuse et complexe. De plus en plus, les petites entreprises sont la cible de fraudes de paiement (p. ex., les rétrofacturations, les fausses monnaies et les fraudes de paiement en ligne) et l’obligation de mettre en œuvre des mesures de prévention efficaces peut également être très coûteuse et exiger beaucoup de ressources. Bien qu’il soit essentiel pour les petites entreprises de s’adapter aux tendances changeantes des paiements afin de demeurer concurrentielles, le fait de rester conformes et d’atténuer les risques de fraude peut être une tâche ardue.
La FCEI a signé une lettre, conjointement avec des acteurs de l’industrie, à l’intention du ministère des Finances. Il y est question de la nécessité de modifier la Loi canadienne sur les paiements pour élargir l’accès à l’infrastructure des paiements du Canada. Selon vous, quels sont les avantages ou les possibilités qu’offrirait un accès élargi pour les entreprises canadiennes?
À mesure que les nouvelles technologies et les nouveaux services continuent de transformer la façon dont les paiements sont effectués et traités, la modification et l’élargissement de l’accès à la Loi canadienne sur les paiements peuvent aider à moderniser le secteur des paiements au Canada. [2] Il y a plusieurs avantages à élargir l’adhésion au-delà des banques traditionnelles pour inclure un plus large éventail de fournisseurs de services financiers, comme les entreprises de technologie financière, les fournisseurs de services de paiement et d’autres institutions financières non traditionnelles. La création d’un groupe plus diversifié de fournisseurs de services financiers peut ouvrir la voie à l’innovation et encourager le développement de nouvelles solutions de paiement conviviales, accessibles et rentables pour les petites entreprises. Elle peut aussi favoriser la concurrence au sein de l’industrie, ce qui peut réduire les coûts et améliorer les services financiers. L’élargissement de la loi pourrait offrir un cadre réglementaire plus complet dans lequel tout le monde peut fonctionner.
Selon vous, quelles nouvelles tendances et technologies de paiement auront le plus grand impact sur les petites entreprises canadiennes au cours des prochaines années?
Le système bancaire ouvert pourrait avoir une incidence importante sur les petites entreprises. Grâce à la capacité de donner aux entreprises un plus grand contrôle sur leurs données financières et leurs renseignements de compte (p. ex., un meilleur accès aux données financières, la capacité de faire des opérations bancaires de façon transparente dans de multiples institutions, plus d’options pour des opérations financières efficaces, un plus large éventail d’options de financement, etc.), les petites entreprises seront mieux en mesure de comparer leurs options de financement.
Comme il a été mentionné plus tôt, les systèmes de paiement en temps réel peuvent avoir une incidence importante et positive sur les petites entreprises. J’espère que cela mènera à la création d’une plus grande gamme d’options de paiement afin d’exercer une pression à la baisse sur les frais d’interchange. Si cette innovation mène à de nouvelles façons pour les entreprises de se facturer et de se payer mutuellement en ayant immédiatement accès à leurs fonds, ce sera une amélioration considérable par rapport à la situation actuelle. Bien entendu, nous devons mettre en place les politiques et l’infrastructure nécessaires pour encourager les nouveaux venus sur le marché et les innovations parmi les acteurs existants.
Dans le cadre du SOMMET 2023 de Paiements Canada, vous avez parlé de la façon dont le gouvernement et l’industrie travaillent pour soutenir les conditions de réussite d’une nouvelle génération de PME canadiennes. S’il y avait un message que vous espériez que l’auditoire retienne, quel serait-il?
De mon point de vue, nous avons fait beaucoup de chemin pour améliorer le système de paiement. Je me souviens des jours sombres où les cartes de crédit à primes ont été émises pour la première fois au Canada, laissant les commerçants avec de nouveaux coûts sans qu’ils sachent pourquoi. Le code de conduite a vraiment amélioré la relation entre les petits commerçants et les géants du paiement, mais il reste encore du travail à faire pour garantir que l’innovation entraîne des améliorations réelles pour les utilisateurs du système de paiement. Bien qu’il y ait beaucoup de nouvelles entreprises de technologie financière intéressantes sur le marché, j’espère que le Canada pourra faire en sorte que le système bancaire ouvert et le PTR soient mis sur pied de façon à pouvoir enfin mettre en place des innovations qui changeront le marché. Je crois que nous sommes à l’aube de grands changements qui pourraient améliorer le marché pour les petites entreprises partout au Canada.
1 FCEI, Sondage sur les cartes de crédit et de débit, 10 juin au 25 juin 2021, n = 4 339.