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Épisode 13: La gestion du risque dans le secteur des paiements avant, pendant et après la COVID-19

Pour évaluer la préparation dont une organisation a besoin en vue d’une situation extraordinaire et la riposte nécessaire, il faut une planification solide de la continuité des activités. Comment l’industrie des paiements réagit-elle à la crise de la COVID-19? L’animatrice de PayPod, Cyrielle Chiron, s’entretient avec Peter Dodic, dirigeant principal de la gestion des risques à Paiements Canada, et Sonia Baxendale, présidente et chef de la direction du Global Risk Institute in Financial Services. Ensemble, ils parlent du fait qu’une forte résilience opérationnelle est la clé d’une réponse efficace à la pandémie et à tout événement mondial futur.

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Invités :

Peter Dodic, Dirigeant principal de la gestion des risques, Paiements Canada
Sonia Baxendale, présidente et chef de la direction, Global Risk Institute in Financial Services

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Transcription du podcast

Cyrielle Chiron :
Aujourd’hui plus que jamais, la résilience et son rôle central retiennent toute l’attention, alors que les systèmes de paiements du Canada demeurent fiables et fonctionnent en toute sécurité malgré la pandémie de COVID-19 qui ne cesse d’évoluer. Pour qu’une organisation puisse poursuivre ses activités en contexte de crise sanitaire mondiale et s’adapter de manière réfléchie et résolue, elle doit absolument se doter de pratiques rigoureuses en matière de continuité des activités.

Cyrielle Chiron :
Ce constat est particulièrement pertinent pour le secteur des paiements puisque les institutions financières, l’administration publique et les entreprises du Canada doivent être en mesure d’adapter continuellement leurs systèmes au gré de la conjoncture économique et du comportement des consommateurs. Je m’appelle Cyrielle Chiron, et j’anime la deuxième saison de PayPod, un balado qui aborde sous tous ses angles l’ambitieuse mission de modernisation des paiements du Canada et explore les thèmes façonnant le monde des paiements au pays et dans le monde.

Cyrielle Chiron :
Comme de nombreuses organisations, Paiements Canada applique des pratiques rigoureuses pour le maintien de ses activités et est bien préparée à s’adapter et à réagir en continu à l’évolution de la crise sanitaire et économique mondiale. Bien que nous disposions d’une planification d’urgence à plusieurs niveaux, l’équipe responsable reste à l’affût des moyens de renforcer la résilience. Elle poursuit ses démarches de planification et d’essai pour tenir compte des défis particuliers qui émergent quasi quotidiennement.

Cyrielle Chiron :
Ainsi, nous pouvons être flexibles, tout en accordant la plus haute priorité à la santé et au bien-être de nos employés ainsi qu’au fonctionnement de nos systèmes. Pour alimenter la discussion sur les risques et la réaction de l’écosystème des paiements aux nouvelles menaces engendrées par la COVID-19, nous nous entretenons avec Peter Dodic, dirigeant principal de la gestion des risques à Paiements Canada. Peter ne manque certainement pas de travail actuellement, étant responsable des programmes de gestion des risques et de la planification du maintien des activités pour l’ensemble de l’organisation. 

Cyrielle Chiron :
Dans le cadre de ses fonctions, il enrichit le bassin d’expertise en gestion des risques de Paiements Canada et nous prépare pour l’avenir pendant la mise en place de notre programme de modernisation des paiements. Nous recevons également Sonia Baxendale, présidente et chef de la direction du Global Risk Institute in Financial Services. Avec son équipe, Sonia se consacre à l’étude et au développement de pratiques exemplaires de gestion des risques dans les services financiers et s’occupe aussi de faire connaître les dernières innovations mondiales en matière de technologies financières. Merci à vous deux de vous joindre à moi aujourd’hui.

Peter Dodic :
Bonjour, Cyrielle. Merci de me recevoir.

Sonia Baxendale :
Bonjour. Bien heureuse d’être ici.

Cyrielle Chiron :
Si je ne me trompe pas, vous êtes tous les deux bien occupés ces jours-ci, n’est-ce pas? La COVID-19 a vraiment mis à l’épreuve notre résilience collective et l’efficacité de nos divers plans, et continue de le faire. J’aimerais commencer avec vous, Peter, car Paiements Canada occupe, avec d’autres entités, un rôle majeur au centre de l’économie. Les paiements sont omniprésents, alors il est crucial de veiller à ce que notre système fonctionne.

Cyrielle Chiron :
Pourriez-vous nous parler des plans d’urgence que Paiements Canada a mis en place pour assurer la fiabilité et la sûreté du système de paiements du pays durant la pandémie de COVID-19?

Peter Dodic :
Bien sûr. Les plans d’urgence ne forment qu’une partie de notre cadre de gestion des risques d’entreprise. De façon plus générale, mon équipe s’occupe de concevoir un cadre et des outils pour gérer les risques financiers et opérationnels. À mon avis, les risques associés à cette pandémie sont nettement de nature opérationnelle, et nous étions prêts à y faire face, pour autant qu’on puisse l’être face à une pandémie qui ne survient qu’une fois par siècle.

Peter Dodic :
Notre cadre de gestion des risques d’entreprise comprend un programme de surveillance des risques émergents. Celui-ci nous a permis de détecter la COVID au début de 2020, alors nous étions au fait des éventualités avant que le risque ne devienne prioritaire pour nous. Nous savions que si la situation devait empirer, nous aurions les plans et les stratégies appropriées pour la gérer au meilleur de nos capacités. Laissez-moi expliquer la chose un peu plus en détail. À la fin de l’an dernier, nous avons revu et testé notre plan de gestion de crise.

Peter Dodic :
Il s’agit en fait du plan global de continuité des activités de l’organisation. Le fait que ces démarches aient eu lieu à la fin de 2019 a été un petit coup de chance, car ainsi nos équipes de crise étaient bien au fait des processus et des plans. En mars, lorsque nous avons dû mettre en branle ces plans en réponse à la COVID, nous étions prêts et avions une expérience fraîche du fonctionnement du système et des procédures à appliquer.

Peter Dodic :
Comme Sonia le sait certainement, dans toute situation de risque, il importe que les gens connaissent leurs rôles, leurs responsabilités, les limites de ces responsabilités et ce dont ils doivent s’occuper. Dans notre planification, nous avions envisagé quelques grandes mesures, comme les restrictions de déplacement. Nous avons un bureau à Toronto et un autre à Ottawa, alors il s’agissait de gérer la transition entre le contexte normal avec déplacements fréquents et la situation de crise où les déplacements sont limités.

Peter Dodic :
Nous avons pensé à départager les activités, pour répartir nos fonctions essentielles en plusieurs endroits et réduire le risque de chevauchement et de contagion entre les équipes. Peut-être plus important encore, Paiements Canada a fait ces dernières années les investissements technologiques nécessaires au télétravail. Nous travaillons à distance depuis le 13 mars, et tout se fait très bien.

Peter Dodic :
Très vite, nous avons créé un guide pour nous aider dans notre travail. J’aimerais cependant ajouter une dernière chose : au-delà des tests internes et sectoriels, des plans et des guides, il y a quelques autres éléments qui nous permettent de vraiment protéger les systèmes. Par exemple, nous avons conclu des ententes avec des fournisseurs. Si jamais nous sommes dans l’incapacité de faire fonctionner certains systèmes, des ententes autorisent des fournisseurs à le faire pour nous.

Peter Dodic :
Cela ne s’est jamais produit, mais si nous devenions incapables de faire notre travail, nous avons des ententes qui permettent à d’autres de le faire. Et dernière chose concernant la résilience : nos plans ne se limitent pas aux pandémies, et notre approche englobe tous les risques. Nous tâchons de créer des plans d’urgence pour tout événement qui pourrait perturber nos activités. Nous envisageons les choses sous l’angle des risques opérationnels, car il est difficile de prédire les situations à venir.

Peter Dodic :
Une année, ce pourrait être un tremblement de terre, une inondation ou encore une pandémie. Mieux vaut adopter une approche qui tienne compte de tous les risques pour être prêt à toute éventualité, puis l’adapter sur le moment.

Cyrielle Chiron :
Oui, vous avez bien raison. Il est très ardu de prédire l’avenir, mais je crois, comme vous l’avez dit, que la planification et les tests… C’est bien que vous mentionniez que la collaboration n’est pas seulement à l’interne et que l’inclusion des fournisseurs est importante. Ça ne se résume pas à une seule personne. Voilà un rappel important. J’aimerais vous poser une question essentielle que tout le monde – j’en suis certaine – a en tête, et elle concerne la modernisation des paiements.

Peter Dodic :
Oui.

Cyrielle Chiron :
Nous sommes d’accord sur le fait que nous avons d’autres plans qui garantissent notre résilience en ce qui a trait aux employés, mais aussi au système de paiements. Il y a aussi, bien évidemment, les grands projets de modernisation des paiements. Considérant la situation actuelle, devrons-nous modifier le programme établi il y a quelques années?

Peter Dodic :
J’aurais quelques remarques à faire ici. La réponse courte est « non ». Selon moi, cette pandémie vient vraiment renforcer notre mission, n’est-ce pas? La mission de moderniser les systèmes de paiements du Canada, d’offrir aux Canadiens des moyens plus simples et plus efficaces de faire leurs paiements. À mon avis, une situation comme celle que l’on vit démontre clairement notre besoin collectif de pouvoir faire circuler l’argent de manière sécuritaire et fluide par les canaux numériques. On a aussi pu observer une chose.

Peter Dodic :
La pandémie et, je dirais, la réaction efficace de notre organisation à son égard nous ont conféré une capacité à aider. Plutôt que d’avoir à nous occuper de problèmes internes en lien avec la COVID et le rétablissement des activités, nous avons eu l’occasion d’aider et d’appuyer l’écosystème. Je dirais que nous avons été utiles à l’industrie dans sa réponse à la COVID, par exemple en facilitant la récente initiative de dépôt direct de l’ARC pour que les Canadiens puissent s’inscrire aux mesures de report de paiements et à d’autres programmes fédéraux de soutien financier.

Peter Dodic :
Et maintenant, d’autres initiatives sont à l’ordre du jour, comme la réduction des chèques. Le fait d’avoir eu les plans, de nous être préparés à un tel événement et d’avoir opéré une transition assez fluide vers le télétravail nous a donné la possibilité d’en faire plus et de créer de la valeur. En fait, la situation vient renforcer notre mission et ouvrir un nouveau champ d’action, où nous jouons un rôle de facilitateur qui aide les gens et l’industrie à progresser.

Cyrielle Chiron :
Voilà qui fait plaisir à entendre. Passons maintenant à vous, Sonia. Le Global Risk Institute a récemment publié une étude sur la résilience opérationnelle avant et après l’apparition de la COVID-19. Je pense qu’on gagnerait à ce que vous nous décriviez vos principaux constats.

Sonia Baxendale :
Bien sûr, avec plaisir. Toutefois, je devrais peut-être commencer par définir la résilience opérationnelle selon la conception qu’en a l’Institut, conception qui oriente le soutien à ses membres. En termes simples, la résilience opérationnelle est la capacité de prévenir les perturbations touchant les services de première importance, de réagir à ces perturbations, puis de se rétablir et de tirer des enseignements. De toute évidence, ce concept a été bien mis à l’épreuve par la COVID-19, comme on l’a vu aussi dans les propos de Peter.

Sonia Baxendale :
La résilience opérationnelle repose essentiellement sur la primauté du client et la capacité à offrir nos services de première importance dans leur intégralité et sur une longue période. On pourrait se demander en quoi elle diffère de la continuité des activités ou de la reprise après sinistre. La différence, c’est que la résilience opérationnelle, bien qu’elle tienne compte de ces deux aspects, va plus loin.

Sonia Baxendale :
Elle se distingue en grande partie du fait qu’elle se rapporte précisément aux services de première importance, dans leur entièreté. Ainsi, il faut avoir une compréhension explicite de la tolérance de l’entreprise pour les impacts. Ce sont là des aspects tout à fait pertinents lorsqu’on pense à l’industrie des paiements et à la capacité de faire circuler l’argent. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut définir un cadre temporel et la force d’impact que l’on est prêt à tolérer pour chaque service.

Sonia Baxendale :
Ensuite, le degré de surveillance des protections et de rétablissement est défini en conséquence pour chacun. Fait très important, du travail avait été fait avant la COVID en matière de résilience opérationnelle et d’analyse explicite de cette question. Après la COVID, je crois que les organismes de réglementation mettront encore plus l’accent sur l’importance de la résilience opérationnelle comme mesure centrale dans la préparation d’une organisation à une interruption majeure et prolongée de ses activités. Certaines démarches en la matière ont déjà été faites dans le monde, et celles-ci se multiplieront au Canada.

Sonia Baxendale :
Pour revenir aux principaux constats de l’étude, j’imagine que vous parlez du palmarès des 10 risques classés dans notre rapport selon la gravité des conséquences. Bien qu’il soit peu probable que les institutions financières canadiennes, quelles qu’elles soient, n’aient pas considéré les pandémies comme un risque émergent ou potentiel, elles ne l’ont pas inclus dans les 10 risques actuels les plus importants pour le système financier canadien. Les trois risques majeurs sont les cyberrisques, les risques géopolitiques et les risques économiques. Ce qui est intéressant, cependant, c’est que les pandémies – avec possiblement le risque climatique – sont manifestement des catalyseurs importants de chacun des 10 risques mentionnés.

Sonia Baxendale :
Donc, même si le risque n’était pas explicitement défini, on était bien préparé. C’est ce que montrent les réactions de l’industrie et, assurément, certains éléments évoqués par Peter, ce qui a permis au secteur des paiements de continuer à servir ses millions de clients. Autre point que j’aimerais relever : le risque élevé de contagion associé à cette pandémie a possiblement été sous-estimé dans tous les exercices de planification qui avaient été faits auparavant.

Cyrielle Chiron :
Oui. C’est intéressant que vous mentionniez cela. Je comprends ce que vous dites tous les deux : planifier l’inconnu n’est vraiment pas chose facile, n’est-ce pas? Vous essayez de prévoir toutes sortes de situations, mais dans les faits, vous êtes dans l’inconnu. Planifier en conséquence est très ardu. Vous n’avez vraiment pas un travail facile, tous les deux. J’aimerais revenir à vous, Peter, en particulier sur votre remarque – Sonia l’a aussi évoqué – que nous devons servir des millions de Canadiens.

Cyrielle Chiron :
Nous savons que des millions de gens au pays, qu’ils travaillent de la maison ou non, comptent chaque jour sur les institutions financières. Que pensez-vous de la planification et de la réponse de ces institutions en lien avec la pandémie jusqu’à maintenant?

Peter Dodic :
En un mot, je dirais que nos institutions financières font de l’excellent travail. Vous vous en souvenez probablement, nos banques ont été exemplaires en matière de sécurité et de rendement durant la Grande Récession il y a plus de 10 ans. Je dirais que c’est la même chose aujourd’hui. À mon avis, nos banques se sont montrées à la hauteur. Je trouve qu’elles ont mis la priorité sur le client et qu’elles ont fait tout ce qu’elles pouvaient pour aider les entreprises autant que les Canadiens. Comme c’est le cas pour Paiements Canada, les institutions financières doivent tenir à jour et tester régulièrement leurs plans en cas de pandémie.

Peter Dodic :
Je dirais que cette compréhension et ces essais ont sûrement aidé les banques sur le plan de la résilience. Pour ce qui est des actions particulières, il faut dire que les institutions financières ont pris quelques mesures majeures et les ont bien gérées. J’ai mentionné tout à l’heure la collaboration de Paiements Canada pour l’inscription en ligne aux prestations de l’ARC : voilà une chose importante que les banques ont faite. Elles ont réagi en un temps record afin que les Canadiens aient un moyen de s’inscrire à l’ARC sans passer par la procédure habituelle, qui peut prendre beaucoup plus qu’une journée, voire plus qu’une semaine.

Cyrielle Chiron :
Oui, en effet.

Peter Dodic :
Un vrai tour de force.

Cyrielle Chiron :
Oui.

Peter Dodic :
En plus de cela, sur le plan financier, elles ont travaillé avec les particuliers, les petites entreprises et d’autres clients à établir des plans visant à gérer concrètement l’incertitude et à assurer en quelque sorte un avenir plus solide. Ici je pense entre autres aux reports de paiements, aux annulations de frais et à l’aide en cas de difficulté. Je suis certain que ces initiatives ont procuré un soutien vital et sur mesure pour toutes leurs gammes de produits, qu’il s’agisse de cartes de crédit, de prêts hypothécaires, de lignes de crédit ou de prêts aux entreprises. Je pense, Cyrielle, que nos banques ont pris toutes les bonnes mesures et que nous devrions être fiers qu’elles jouent un tel rôle.

Cyrielle Chiron :
Bien, c’est toujours bon à entendre. Les institutions financières ont changé beaucoup de choses, comme vous l’avez dit, même du côté des initiatives de dépôt direct; et vous avez aussi mentionné plus tôt la réduction des chèques.

Peter Dodic :
Oui.

Cyrielle Chiron :
Croyez-vous que l’industrie des paiements changera une fois la pandémie terminée? Et si oui, de quelle façon?

Peter Dodic :
C’est la question à un million de dollars. J’ai cassé ma boule de cristal récemment, alors c’est difficile d’y répondre. Mais si je m’essayais à prédire certains des effets à long terme de la pandémie sur l’industrie des paiements, j’évoquerais une conséquence majeure, qui touche l’utilisation d’espèces. L’argent comptant est en train de disparaître. Ce déclin était déjà là avant la COVID, et j’ai l’impression que la tendance se poursuit. Les gens semblent avoir adopté plusieurs habitudes dans les derniers mois, dont le recours à d’autres moyens que l’argent comptant.

Peter Dodic :
Pour ma part, cette situation vient vraiment accroître le besoin de se doter d’un nouveau système de paiements en temps réel, qui sera capable de transférer de l’argent d’une manière sécuritaire et efficace. Ce système devra suivre un modèle de gestion de risques qui assure l’irrévocabilité des paiements, ce qui correspond exactement à notre domaine de compétence. 

Cyrielle Chiron :
Oui, je suis d’accord. Nous avons tous changé nos habitudes d’achat depuis que nous sommes tous à la maison. Nous restons plus à la maison, alors nous ne sortons pas pour acheter…

Cyrielle Chiron :
... pour acheter des choses. Sonia, j’aimerais revenir à votre étude. Vous avez parlé d’un point important, soit que les institutions financières canadiennes ne considéraient pas les pandémies comme un risque prépondérant pour le système financier. Moi-même je n’aurais pas pensé aux pandémies, pour être bien honnête. C’est pourquoi on dit toujours qu’il faut planifier l’inconnu. Actuellement, l’écosystème est en processus d’adaptation à cette nouvelle normalité dont tout le monde parle.

Cyrielle Chiron :
C’est la nouvelle normalité pour les paiements dont nous avons discuté plus tôt, soit le déclin du comptant et tout. Quelles sont les grandes leçons que les institutions financières peuvent tirer de cette expérience?

Sonia Baxendale :
J’aurais quelques remarques à faire à ce sujet. Peter vient de parler des institutions financières et de la place des pandémies dans leurs plans de préparation aux sinistres. Quand on y repense, il y a eu beaucoup de préparation, bien qu’on n’ait peut-être pas prévu le déroulement exact des événements. Nous avions eu un petit avant-goût de tout cela lors de l’épidémie de SRAS en 2003. C’est ce qui a amené les institutions financières à se pencher sur ce type d’événement et à l’enchâsser dans leur programme de base de gestion des risques.

Sonia Baxendale :
Si je pense à la grande leçon à tirer de cette pandémie, je dirais que c’est avant tout la nécessité de se préparer à de grands chocs, de quelque nature que ce soit, qu’ils soient prévisibles ou tout à fait inattendus. Dorénavant, nous devrons mieux nous préparer à ces grands chocs, où les interconnexions et la contagion jouent un rôle. Il y a d’abord eu une crise sanitaire, une pandémie, qui nous a menés à une crise économique, puis à une crise sociale liée aux questions raciales.

Sonia Baxendale :
Maintenant, ce qui est peut-être un des plus grands défis auxquels nous faisons face, c’est la crise de santé mentale qui prend de l’ampleur. Tous ces éléments sont interreliés. Le fait de pouvoir concevoir la chose selon de nombreux angles, dont celui de l’interconnexion, pourrait être utile en préparation au défi climatique qui nous attend. Il s’agit peut-être, en quelque sorte, d’un test de résistance concret qui nous permettra d’être prêts à y faire face. Pour moi, c’est la grande leçon à tirer de cette situation.

Sonia Baxendale :
J’aimerais poursuivre en commentant deux autres points, et encore ici, Peter les a effleurés. Il s’agit d’abord de l’adaptabilité. J’ai été vraiment impressionnée par la rapidité avec laquelle les organisations comme les personnes se sont adaptées à une nouvelle réalité. Pensons aux déplacements. Certains d’entre nous passaient la moitié de leur vie à bord d’un avion… 

Cyrielle Chiron :
Oui, dont moi.

Sonia Baxendale :
Exactement. Et n’avaient pas été autant à la maison depuis 10 ou 20 ans. Mais tout le monde s’est adapté à la nouvelle réalité, à une autre façon de gérer son entreprise, aux vidéoconférences et ainsi de suite. Cette adaptabilité est très impressionnante, et une belle leçon à retenir. L’autre élément que je voulais soulever, c’est ce que j’appellerais la coopération entre les organismes de réglementation gouvernementaux et l’industrie.

Sonia Baxendale :
La collaboration qu’on a pu voir a été vraiment remarquable. Les décisions ont été prises d’abord en fonction des Canadiens dont les besoins étaient les plus grands, et on s’est assuré que l’écosystème continue de fonctionner. Le meilleur exemple est probablement la participation très active de Paiements Canada aux mécanismes de paiements de l’ARC, que Peter a évoquée. Lorsqu’on y repense, c’est un changement qui est devenu permanent.

Sonia Baxendale :
Plus que jamais, les chèques sont près de disparaître. L’argent comptant décline. Même si ces changements étaient déjà en cours ou inscrits dans les plans stratégiques depuis de nombreuses années, ces jours, ces semaines et ces mois de pandémie nous ont permis d’accomplir ce qui devait, selon les prévisions, prendre plusieurs années. L’objectif est resté le même, mais on l’atteindra certainement plus vite.

Cyrielle Chiron :
Oui, vous avez raison. Je suis d’accord quand vous dites que les choses se sont précipitées, à cause de la pandémie ou grâce à elle – je ne sais pas comment le présenter. Mais cela a accéléré beaucoup d’initiatives entreprises dans le monde, et pas seulement au Canada. J’aimerais poursuivre dans cette veine. Considérant la démarche actuelle de modernisation des paiements et l’évolution des paiements, nous assisterons à beaucoup d’avancées et d’innovations technologiques, n’est-ce pas?

Cyrielle Chiron :
En ce qui a trait aux nouvelles technologies facilitant la gestion des risques, que voyez-vous de prometteur pour l’industrie dans sa poursuite des objectifs de modernisation? Y a-t-il des outils qui pourraient s’avérer utiles?

Sonia Baxendale :
Encore ici, je voudrais souligner que la COVID-19 a braqué les projecteurs sur des risques et des tendances à l’échelle mondiale, et les a amplifiés et accélérés. La pandémie a été l’occasion de vraiment hausser les attentes dans une foule de domaines que nous aurions aimé voir bouger plus rapidement sur le plan stratégique, en ce qui concerne l’achat en ligne et la flexibilité de l’environnement de travail, deux aspects parmi les plus importants. La popularité grandissante des technologies a entraîné un accroissement des risques.

Sonia Baxendale :
Fuites de données, hameçonnage, problèmes de confidentialité, et j’en passe. Là où la recherche d’innovations bat vraiment son plein, c’est dans les domaines cruciaux de la lutte contre le blanchiment d’argent et de la connaissance du client. Les initiatives visant à moderniser ces volets importants de l’environnement technologique sont nombreuses, car ils ont d’abord été pensés d’après un modèle de fonctionnement reposant sur l’interaction en personne.

Sonia Baxendale :
Nous sommes maintenant passés à autre chose complètement, en très peu de temps. Il subsiste un risque important associé à cette transition. On voit que beaucoup de travail se fait à ce chapitre, et les essais iront en s’intensifiant. C’est très important. Autre commentaire : dans ce projet de modernisation technologique des paiements qui se poursuit, il faut intégrer la résilience face aux risques associés aux tiers et aux fournisseurs.

Sonia Baxendale :
Encore ici, lorsqu’on regarde les initiatives, lorsqu’on voit comment évolue l’industrie des paiements, il s’agit d’un lien qu’il faut assurer, afin qu’il n’y ait pas de conséquences imprévues qui entravent le transfert sécuritaire de l’argent. Ce volet fait aussi l’objet d’investissements et de plusieurs initiatives. Tout le domaine des relations avec les tiers et les fournisseurs est appelé à se développer plus rapidement.

Cyrielle Chiron :
Oui, tout à fait. Avez-vous quelque chose à ajouter, Peter?

Peter Dodic :
Oui, j’aimerais faire quelques commentaires. Strictement du point de vue de la gestion des risques, les paiements, selon moi, reposent entièrement sur la sécurité et la fiabilité. Pour ce qui est des outils innovateurs de réduction des risques qui sont maintenant accessibles aux banques ou aux infrastructures comme Paiements Canada, on pense à des choses comme l’intelligence artificielle et l’apprentissage machine. Les banques utilisent déjà ces outils pour détecter les fraudes, et aussi dans leurs systèmes de contrôle interne.

Peter Dodic :
Elles s’en servent aussi pour la surveillance du crédit et les approbations de crédit. Je ne vais pas me lancer dans une envolée sur l’IA aujourd’hui; c’est probablement un sujet pour un autre épisode de PayPod. À mon avis, en matière de prêts et de conformité de la gestion des risques, l’IA n’a révélé jusqu’ici qu’une infime partie de son potentiel. Cela dit, je crois qu’elle ne peut pas remplacer un cadre de gestion des risques efficace, de bons outils, et peut-être plus important encore, une solide culture de gestion du risque. Il est essentiel de revenir aux fondements et de sensibiliser les gens à leur rôle en matière de gestion du risque, car nous en avons tous un. 

Peter Dodic :
Nous avons tous un rôle, n’est-ce pas? Les gens doivent connaître les outils et les processus auxquels ils ont accès pour réduire les risques. C’est vraiment important de toujours garder cela en tête : la technologie, c’est super utile, mais le fait de mettre en place les fondements et les éléments essentiels, comme des cadres, des outils et une culture, vient soutenir tout l’édifice.

Cyrielle Chiron :
Tout à fait. Voilà une bonne chose. Sonia, vous avez parlé brièvement des enseignements à tirer, et ensuite, Peter, vous mentionnez notre rôle dans l’atténuation des risques. C’est bien, car maintenant, en conclusion, j’aimerais aborder les leçons à tirer de cette expérience. Sonia, vous avez dit qu’il fallait se préparer aux grands chocs et comprendre en quoi ils sont interreliés. L’adaptabilité et la coopération ont aussi été évoquées, ainsi que la place centrale qui doit être accordée à la population canadienne.

Cyrielle Chiron :
J’aimerais savoir s’il y a autre chose que nous pouvons observer ou que nous pouvons apprendre. Je suggère de commencer par les leçons à portée générale, pour ensuite aborder les paiements en particulier. Allons-y d’abord avec vous, Sonia : de façon générale, dans tout ce dont vous nous avez parlé, quelles sont les autres leçons à retenir en matière de détection et d’atténuation des risques?

Sonia Baxendale :
Pour ce qui est de la COVID et de la crise sanitaire, il s’agit sans conteste d’une pandémie d’ampleur mondiale. On peut affirmer que le système de paiements est lui aussi mondial. L’un comme l’autre demande une coopération et un échange transparent de renseignements entre les pays. C’est là une caractéristique tout à fait cruciale, qui est très semblable de part et d’autre. Cela dit, pour moi, le risque et l’inquiétude proviennent de la montée des tensions partout sur la planète, qui pourrait menacer la coopération internationale.

Sonia Baxendale :
C’est là un risque que nous devons atténuer. Il faut aussi veiller à se doter des plans les mieux adaptés entourant la redondance et la protection, car c’est un domaine parfois imprévisible. Un exemple parfait, que nous avons sous les yeux en ce moment même, est la situation à Hong Kong.

Cyrielle Chiron :
Oui.

Sonia Baxendale :
Il nous faut être beaucoup plus vigilants quant aux conséquences de nos interactions internationales. De plus, l’industrie des paiements vit actuellement une métamorphose qui, comme l’a dit Peter, a grandement accéléré en raison de la pandémie. Cela vient ajouter de l’importance et de la pertinence quant à l’influence de la situation sur notre participation à l’économie mondiale. Les effets sont considérables. Une chose dont nous n’avons pas parlé, c’est la petite entreprise.

Sonia Baxendale :
Beaucoup de phénomènes qui se produisent – je parle de l’évolution des transactions en ligne et de notre utilisation des paiements – seront très bénéfiques pour les petites entreprises. Celles-ci n’ont pas toujours bougé aussi vite que certains l’auraient voulu, du fait qu’elles devaient surmonter une foule de défis en lien avec les dépenses et les plateformes requises. Dans la situation actuelle, du point de vue des petites entreprises et des paiements, on devrait observer des conséquences positives.

Sonia Baxendale :
J’ajouterais seulement un troisième élément concernant les autres leçons à tirer. J’ai effleuré le sujet des fournisseurs tiers, mais j’aimerais souligner l’importance de cet aspect pour l’avenir, encore ici, autant sous l’angle des risques que des occasions. Nous voyons que les perturbations de chaînes d’approvisionnement deviennent monnaie courante, ce qui nécessite des plans d’urgence. Nous avons des signes directs indiquant que la situation des fournisseurs et des partenaires pourrait devoir être revue.

Sonia Baxendale :
Par exemple, la vidéoconférence n’aurait pas été classée comme ayant une importance critique ou élevée, mais maintenant c’est tout autre chose. Comment les fournisseurs veillent-ils à la santé et à la sécurité de leurs employés, particulièrement ceux à l’étranger, et comment gèrent-ils les risques connexes? Ont-ils des problèmes financiers? Beaucoup d’éléments du genre ont été amenés à l’avant-plan et exigent autant une surveillance constante que des plans correctifs. 

Sonia Baxendale :
La dernière chose que j’aimerais ajouter – un petit commentaire que je voudrais faire parce que nous ne l’avons peut-être pas dit explicitement –, c’est qu’il importe vraiment d’assurer, de manière prudente et réfléchie, un équilibre entre innovation et sécurité dans l’écosystème des paiements. Il faut toujours garantir une sécurité maximale, car c’est fondamental, mais il est clair que la modernisation et l’innovation sont essentielles. Il nous faut seulement continuer d’avancer sur ce plan.

Sonia Baxendale :
Nous avons vu que nous pouvions nous adapter rapidement et maintenir une cadence qui n’est peut-être pas celle observée durant la crise, mais qui est quelque part entre celle-ci et les délais de notre processus normal de planification.

Cyrielle Chiron :
Oui. C’est bien d’avoir mentionné les petites entreprises, et ensuite l’exemple de la vidéoconférence, un aspect auquel peu d’entreprises avaient pensé auparavant, puisque tout le monde était au bureau. Mais maintenant, c’est assez crucial. Beaucoup d’entreprises ne souhaitaient pas nécessairement faire la transformation numérique aussi rapidement que d’autres, mais la situation a assurément accéléré cette évolution. Elles n’étaient pas essentiellement numériques avant la COVID.

Cyrielle Chiron :
Pour elles, c’était vraiment difficile durant le confinement, et maintenant elles tentent de rattraper leur retard quant aux différentes plateformes qu’elles doivent… pardon, quant aux investissements qu’elles doivent faire dans leur système. Peter, auriez-vous quelque chose à ajouter en ce qui concerne les enseignements à tirer et les moyens de détecter et d’atténuer les risques, que ce soit en général ou concernant les paiements en particulier?

Peter Dodic :
Je crois que Sonia a tout dit, et sa réponse était très complète. J’aimerais peut-être ajouter quelques éléments. En ce qui concerne la détection et l’atténuation des risques, ce que j’ai appris, c’est qu’après coup, il est presque trop tard pour faire un plan de gestion des risques et l’appliquer. La pandémie a renforcé ma conviction personnelle selon laquelle on doit mettre en place quelques éléments en prévision des événements. Je pense ici au fait de rendre l’organisation résiliente et de constituer une solide culture de gestion du risque, ce dont j’ai parlé plus tôt.

Peter Dodic :
La résilience, je le rappelle, repose sur différentes composantes : des cadres, des plans et des protocoles servant à gérer tous les risques internes et, peut-être plus important encore, externes. Il est essentiel de tester fréquemment les outils afin que l’équipe, l’entreprise et le secteur sachent qui fait quoi si une situation survient. Lorsque je parle de culture de gestion de risque, je veux dire qu’il faut avoir la vigilance, les connaissances et l’expérience pour assurer la gestion des risques dans l’ensemble de l’organisation ou de l’industrie.

Peter Dodic :
Les employés de Paiements Canada savent que mon équipe n’est pas là pour gérer les risques à leur place. Nous sommes plutôt là pour créer des cadres et des outils qui les rendront autonomes à ce chapitre dans leurs activités. C’est là la clé : ils doivent gérer leurs propres risques. C’est seulement lorsque vos collègues comprennent ce rôle, ce rôle actif qu’ils jouent, que vous êtes vraiment prêt à affronter un événement comme une pandémie. 

Cyrielle Chiron :
C’est en fait une bonne chose de nous responsabiliser quant aux risques que nous… D’abord, faire en sorte que nous détections ces risques, que nous en soyons responsables, et que nous gardions cela en tête. Voilà quelque chose de très utile lorsque nous faisons des choses à l’interne, mais c’était peut-être juste moi, de Paiements Canada, qui le mentionnait. Eh bien, merci beaucoup à vous deux de nous avoir fait profiter de votre expertise. Je suis certaine que cet entretien aura été révélateur pour beaucoup d’entre nous, alors je vous suis très reconnaissante d’avoir pris le temps de nous parler.

Peter Dodic :
Merci de m’avoir invité.

Sonia Baxendale :
Merci.

Cyrielle Chiron :
L’industrie des paiements continue de composer avec la pandémie en repérant et en atténuant les risques entraînés par la COVID-19. Dans ce contexte, la clé du succès est d’accorder la priorité à la résilience opérationnelle. Étant donné que des millions de Canadiens se fient en grande partie aux institutions financières, l’écosystème des paiements doit s’appuyer sur de solides plans de continuité des activités ainsi que sur la résilience opérationnelle afin de bien réduire les risques. 

Cyrielle Chiron :
C’est tout pour aujourd’hui. Ne manquez pas notre prochaine discussion, où nous traiterons en profondeur de l’écosystème des paiements. Je m’appelle Cyrielle Chiron; merci d’avoir écouté cette édition de PayPod.

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