Épisodes de podcasts

Épisode 17 : Quelles tendances pour les paiements en 2021?

L’évolution de la technologie et des modes de paiement continue de transformer les habitudes des consommateurs et des entreprises au Canada. Dans cet épisode, l’animatrice Cyrielle Chiron reçoit Kate Frankish, directrice de la stratégie à Pay.UK pour discuter des tendances et sujets entourant l’écosystème des paiements à l’échelle mondiale en 2021.

Façons d’écouter les balados :

Spotify logo
Apple podcast logo

Invités :

Kate Frankish, directrice de la stratégie, Pay.UK

Écouter l’épisode

Transcription du podcast

Cyrielle Chiron :
L’évolution de la technologie et des modes de paiement continue de transformer les habitudes des consommateurs et des entreprises au Canada. En quête de paiements plus commodes, rapides et sécuritaires, la population canadienne adopte continuellement de nouveaux modes et canaux de paiements numériques, qui ne cessent d’évoluer. Le passage aux paiements numériques, tendance qui se maintient depuis plusieurs années, a accéléré sous l’effet de la pandémie de COVID-19. Plus que jamais, il s’avère que les Canadiens emboîtent le pas à la technologie, en adoptant par exemple le paiement sans contact. Mais il est important de continuer à explorer et à comprendre les tendances qui se dessinent ailleurs dans le monde. Quelles sont les ressemblances et les différences d’un endroit à l’autre quand on pense à l’écosystème des paiements à l’échelle mondiale?

Je m’appelle Cyrielle Chiron et je suis chef de la stratégie à Paiements Canada. Vous écoutez PayPod, un balado qui explore les thèmes façonnant le monde des paiements au pays et autour du globe. Aujourd’hui, pour discuter des tendances en matière de paiements à l’échelle mondiale en 2021, je reçois Kate Frankish, directrice générale de la stratégie de Pay.UK. Kate travaille dans le secteur financier depuis plus de 20 ans. Elle y a occupé différents postes. Elle s’intéresse particulièrement à l’innovation axée sur la demande des consommateurs et sur les mouvements du marché mondial. Elle dirige l’équipe responsable de la stratégie à Pay.UK, sa mission étant de stimuler l’innovation dans l’écosystème des paiements et de favoriser une économie dynamique au Royaume-Uni. Bienvenue, Kate, et merci de vous joindre à moi pour cette édition du PayPod.

Kate Frankish :
Merci, Cyrielle. Je suis très heureuse d’être invitée aujourd’hui pour vous parler du monde des paiements, qui ne cesse d’évoluer et qui nous concerne tous, puisqu’il permet aux gens d’être payés, de régler leurs factures, de faire leurs versements hypothécaires, de se nourrir, etc. C’est ce qui permet au monde de bien fonctionner – la plupart du temps, du moins.

Cyrielle Chiron :
Plongeons dans le vif du sujet. Il y a beaucoup de choses dont nous devons parler parce qu’il se passe beaucoup de choses dans l’industrie des paiements. Je pense que l’innovation est là tous les jours. Plusieurs pays, comme nous ici au Canada et le Royaume-Uni, sont en train de moderniser leur système de paiements pour suivre les tendances. D’ailleurs, j’ai vu que Pay.UK vient de publier sur son site Web un rapport dans lequel on explore les grandes tendances stratégiques qui façonneront l’avenir des paiements de détail. J’aimerais que vous nous en parliez un peu. Quels sont les points à retenir de ce rapport? Nous verrons s’il se passe la même chose au Canada ou pas.

Kate Frankish :
Bien sûr. Avant de parler du rapport, j’aimerais présenter Pay.UK brièvement aux auditeurs. Pay.UK est un exploitant de système de paiements qui ressemble à Paiements Canada. Notre mission est de fournir des produits souples et efficaces aux utilisateurs de nos services de paiements de détail. C’est vraiment important. Ce qu’il faut comprendre – et nous en avons d’ailleurs discuté quelques fois, Cyrielle –, c’est que nous ne pouvons pas rester passifs et nous contenter de faire fonctionner notre plateforme. Comme tous les fournisseurs de paiements mondiaux, nous devons regarder loin devant. Nous devons comprendre les tendances, les menaces et les occasions, et canaliser notre temps et nos efforts là où ça compte, preuves à l’appui.

Cyrielle Chiron :
J’aime quand on s’appuie sur des preuves.

Kate Frankish :
Difficile de contester les données, n’est-ce pas? Si les preuves sont là pour expliquer ce qu’on fait, on peut aller de l’avant, comme on le fait en ce moment au Royaume-Uni. L’une de nos priorités stratégiques est de fournir de la valeur ajoutée. Nous nous mettons toujours au défi de nous concentrer sur les choses qui apportent une plus-value. Je vais maintenant vous expliquer pourquoi nous avons rédigé ce rapport et vous parler de l’importance de tout le travail derrière. Nous avons fait ce travail à la fin de 2019, en fait. Nous examinions les tendances depuis un bon moment déjà. Dès le départ, nous avons voulu brosser un portrait mondial parce qu’il se passe parfois la même chose chez nous que dans d’autres régions. Les grands objectifs en matière de paiements; les moyens d’accélérer les paiements, d’éliminer les éléments nuisibles aux consommateurs, de réduire la fraude au minimum : les thèmes se ressemblent partout dans le monde.

Notre réflexion va jusqu’en 2030. Nous ne disons pas que tout ce qui est dans le rapport va se réaliser. Nous ne pouvons pas prédire l’avenir; ça, vous le savez, j’en suis certaine. Nous avons seulement extrapolé à partir des données et des tendances. Le rapport est centré sur trois grands sujets. Le premier est ce qu’on appelle l’atomisation. Ce sont les petits paiements fréquents qui découlent notamment d’abonnements à des services, par exemple Netflix. D’ailleurs, je suis sûre que nous avons tous beaucoup utilisé ces services pendant les confinements liés à la COVID partout dans le monde. Ce sont aussi les paiements liés aux petits boulots. Les gens se font verser des montants plus petits, mais plus fréquemment que traditionnellement. L’idée avec l’atomisation, c’est que le volume de paiements va augmenter et que nous devons nous assurer de pouvoir gérer tout ce volume et les pics de croissance éventuels.

Le deuxième sujet est l’internalisation. On parle ici des grandes sociétés technologiques, comme Amazon, qui est partout. Elles pourraient un jour ne plus avoir besoin de canaux de paiements au sein de leurs services. En ce moment, la plupart des gens qui achètent sur Amazon paient à l’aide d’une carte enregistrée. On utilise donc les canaux de paiement par carte. Le modèle d’Amazon comporte de nombreux éléments différents. C’est une entreprise qui pourrait gérer les paiements en circuit fermé et ne plus recourir aux systèmes de paiements par carte ou de détail. Encore une fois, il est important de savoir gérer cette menace et de comprendre l’incidence que ça pourrait avoir sur les volumes que nous traitons avec notre plateforme. Le dernier sujet est la virtualisation. C’est un domaine qui prend rapidement de l’ampleur. On parle ici de tout ce qui entoure les monnaies virtuelles en tout genre. Il y a les cryptomonnaies stables, la monnaie numérique de banque centrale, ou encore les monnaies virtuelles privées, comme le diem, que Facebook veut lancer cette année.

Voilà, ce sont les points de mire de notre rapport. Nous nous sommes posé des questions pour nous assurer de bien comprendre comment réagir. Je pense qu’il faut toujours retourner une foule de données et de renseignements. Qu’est-ce que ça signifie pour nous? Faut-il changer nos façons de faire? Faut-il faire pivoter notre stratégie? Comment peut-on surveiller continuellement le marché des paiements mondial et les tendances chez les consommateurs? Parce que s’il y a une chose qui compte pour nous, c’est de rester pertinents. Si les consommateurs n’utilisent pas nos paiements, nous deviendrons inutiles. C’est un aspect qui nous motive réellement.

Cyrielle Chiron :
Oui, je suis d’accord. Virtualisation, internalisation et atomisation. Ce sont de très bons mots, même si j’ai du mal à les prononcer. Je suis heureuse que vous les mentionniez, car nous avons observé la même chose, sans leur donner nécessairement les mêmes noms. Ce sont des tendances mondiales à n’en pas douter. J’ai aimé vous entendre dire qu’il faut rester pertinents et ne pas être passifs. C’est bien vrai. Les choses vont extrêmement vite. Et l’an dernier, elles sont allées encore plus vite que prévu. Chaque année au Canada, nous nous penchons sur les habitudes de paiement des consommateurs. Petite minute d’autopromotion : ce rapport, nous l’avons. Il s’intitule Rapport canadien sur les modes de paiement et les tendances des paiements. Nous le publions tous les ans sur notre site Web.

Nous examinons les habitudes des gens, et elles changent, assurément. Certaines tendances sont en train de se modifier, mais sur plusieurs années; il n’y a pas de changement majeur ou radical d’une année à l’autre. Bien sûr, certaines tendances se poursuivent depuis un moment, comme le déclin du papier (l’argent comptant) et de l’autre côté, la croissance du numérique. Comme vous l’avez dit au sujet de la virtualisation, de l’internalisation et de l’atomisation : tout ce qui est numérique est en plein essor. L’an dernier, ces tendances se sont vraiment accélérées, en quelque sorte, notamment à cause de la COVID. Les gens ne sont plus à l’aise de toucher à de l’argent comptant. Je pense que vous avez fait ce rapport avant ou pendant la COVID. J’aimerais savoir si vous avez réfléchi aux répercussions de la COVID et si vous pensez qu’elle a accéléré les tendances dont vous venez de parler – la virtualisation, l’internalisation et l’atomisation. Alors, pensez-vous que ces tendances ont été accélérées? Qu’elles vont persister?

Kate Frankish :
Oui, je pense que nombre des tendances numériques se sont accélérées [inaudible] et que des habitudes sont en train de se former. C’est très difficile d’essayer de changer les habitudes d’une grande partie des consommateurs parce que ce que veut Monsieur et Madame Tout-le-Monde, c’est que les paiements fonctionnent. N’est-ce pas? Les gens veulent que les paiements soient sûrs et rapides, sans se casser la tête. Le problème pour les gens en général, c’est quand ça ne fonctionne pas. Cependant, les consommateurs ont commencé à adopter toutes sortes de modes de paiement dans une mesure que nous n’avions pas prévue. Par exemple, mon mari était vraiment contre les cartes sans contact avant le confinement. Je n’aime pas trop le dire parce que je suis dans l’industrie des paiements et que j’adore tout ce qui est nouveau et sans contact, tout ce qui est facile à utiliser... Cela dit, aujourd’hui, mon mari ne jure que par les paiements sans contact et ne veut jamais avoir à mettre sa carte dans la machine et à entrer son NIP.

Partout dans le monde, on souhaite augmenter les limites de paiement sans contact, mais il y a bien sûr des inconvénients et des avantages. Certaines personnes ont commencé à s’habituer aux codes QR, par exemple. Au Royaume-Uni, on s’en sert pour le suivi et la recherche de données. Quand les commerces ont commencé à rouvrir durant l’été, quand les restaurants et les bars étaient ouverts, mais avec la distanciation sociale, les clients pouvaient utiliser un code QR pour voir le menu ou commander un verre. Nous pensions que ces technologies n’étaient plus utilisées, mais elles sont en train de resurgir. Je pense qu’il suffit que les consommateurs s’habituent, et après, ça va. Si je devais parier, je dirais qu’un certain nombre de ces tendances se sont accélérées et qu’elles vont persister.

Cyrielle Chiron :
Oui, je suis d’accord. C’est la même chose au Canada. Nous avons ces mêmes codes QR qui étaient non pas inexistants, mais vraiment très rares. Ils ont commencé à gagner en popularité pendant l’été pour voir le menu des restaurants ou accéder à de l’information, comme chez vous. C’est drôle de voir à quel point les choses se ressemblent. Les comportements ne sont peut-être pas les mêmes au Royaume-Uni et au Canada, mais on voit ici que c’est pareil. Vous avez parlé de virtualisation et de monnaies numériques. La monnaie numérique de banque centrale est en effet un autre sujet d’actualité dans le monde des paiements. On l’appelle aussi la MNBC. Les tendances qui grandissent à l’échelle mondiale favorisent le développement des MNBC.

Le déclin du comptant est une raison, même si ce n’est pas la seule. L’année dernière, j’ai parlé des avantages et des incertitudes entourant la MNBC avec Rod Garratt, de l’Université de la Californie, à Santa Barbara, et avec Francisco Rivadeneyra, de la Banque du Canada. C’était le tout début. Il y a eu beaucoup de progrès depuis. Certains pays sont plus avancés que d’autres. Je pense que la Chine a déjà lancé la sienne, tout comme d’autres pays aux Antilles.

En tout cas, il n’y a aucun doute que l’activité s’est intensifiée dans le domaine. La Banque du Canada a fait plusieurs discours et communiqué beaucoup d’information pour expliquer la démarche, et je sais que la Banque d’Angleterre a elle aussi été très active. Si je ne m’abuse, les résultats de la consultation qui a eu lieu il y a quelques mois n’ont pas encore été publiés. J’aimerais vraiment connaître votre point de vue sur la MNBC, d’autant plus que Pay.UK est un exploitant de système de paiements comme Paiements Canada. Nous pourrions aussi parler des monnaies virtuelles en général. Commençons par la MNBC. Vous avez peut-être des points de mire, des domaines de surveillance, des réflexions…

Kate Frankish :
D’accord. En effet, la Banque d’Angleterre est la banque centrale du Royaume-Uni. Elle s’est penchée sur la MNBC sporadiquement depuis 2014. Je trouve que c’est un « cadre » très complexe; je présume qu’il est difficile de comprendre les avantages, les répercussions économiques et les incidences sur l’industrie bancaire. Les répercussions peuvent être considérables selon ce qui est fait d’une monnaie numérique de banque centrale. Comme vous le dites, c’est en mars 2020 que le document de travail et de consultation a été publié. Nous avons travaillé avec la Banque d’Angleterre et avons fourni notre point de vue à titre d’exploitant de système de paiements. Nous continuons d’ailleurs de travailler avec elle. Je pense qu’elle n’a pas encore décidé de la suite des choses, mais elle a l’intention de poursuivre les consultations sur les avantages, les risques et les aspects pratiques.

En fait, ce dont nous avons beaucoup discuté avec elle, c’est que si la Banque d’Angleterre ou nous décidions de créer une MNBC, il faudrait de trois à cinq ans de travail. Ce n’est pas un projet que l’on peut mener à bien rapidement. Pour notre part, nous travaillons au développement d’une plateforme que nous appelons notre « nouvelle architecture de paiements ». Il s’agit d’un nouveau système de paiements de détail immédiats. Nous voulons que la Banque d’Angleterre nous indique si nous pourrions, dans le cadre de nos exigences, faire passer la valeur d’une monnaie numérique de banque centrale par les canaux de ce système – et pas seulement la livre sterling, par exemple, comme c’est le cas actuellement. Encore une fois, tout dépend de la façon dont on établira le modèle. Toutefois, en tant qu’organisation qui s’occupe d’échanger des valeurs pour tous les paiements de détail au Royaume-Uni, il serait logique que nous participions à la transmission de différents types de valeurs. C’est l’une des choses dont nous discutons avec la Banque d’Angleterre.

Cyrielle Chiron :
Voilà qui est intéressant et qui fait plaisir à entendre. Vous avez dit « mars 2020 »… Comme le temps passe vite! J’ai l’impression que c’était il y a quelques mois, pas un an. Mais c’est intéressant de vous entendre. Nous faisons exactement la même chose. Nous collaborons avec la Banque du Canada pour que tout l’écosystème en profite. Je suis d’accord que tout dépend de la façon dont la MNBC est conçue et distribuée, pour savoir si elle peut interopérer avec le système de paiements. Vous avez parlé des autres monnaies numériques et des cryptomonnaies stables. On en utilise encore très peu au Canada. Certains le font, mais ce n’est pas vraiment répandu. Il y a beaucoup de nouvelles et d’activité, mais j’aimerais savoir si leur utilisation se répand au Royaume-Uni. Qu’est-ce qui se passe dans le monde des monnaies numériques? Je pense que vous surveillez la situation en raison de la plateforme que vous êtes en train de créer, n’est-ce pas?

Kate Frankish :
Oui. Ça ne fait pas encore tout à fait partie de nos exigences. Nous étudions la question. Je reviens sur le sujet de la pertinence. Les habitudes des consommateurs changent dans le monde des paiements, et nous devons être là pour faciliter ces changements. Le Royaume-Uni foisonne de nouvelles idées. Il suffit d’un seul cas d’utilisation véritablement solide pour propulser un nouveau type de paiement. Selon moi, quand les géants des technologies comme Facebook se lancent sur un marché comme celui des monnaies virtuelles, c’est là qu’on observe un réel virage sur le plan de l’utilisation et de la confiance, car les consommateurs utilisent les médias sociaux et ont tendance à avoir confiance en ces plateformes.

Il y a un peu de croissance, en ce moment. Je pense que de plus en plus de gens spéculent sur les monnaies virtuelles parce que leur valeur fluctue grandement. C’est un peu comme jouer à faire des paris. Certaines sont des cryptomonnaies stables. Ce sont des paniers de fonds liés à des monnaies. Les cryptomonnaies stables atténuent nettement cette volatilité. Pour d’autres, comme le bitcoin et le diem, on entend beaucoup parler d’une utilisation intense par moments, mais rien de majeur jusqu’à maintenant.

Cyrielle Chiron :
Oui. Il suffirait que Elon Musk parle du bitcoin sur Twitter. J’aimerais que nous explorions un autre sujet, toujours sur le thème de la technologie. Et si nous parlions d’intelligence artificielle? C’est une autre tendance qui a le vent dans les voiles. À mesure que les gens sont plus à l’aise avec la technologie, qu’ils l’intègrent à leur quotidien, croyez-vous que l’intelligence artificielle jouera un rôle croissant dans le monde des paiements? Je ne parle pas seulement de la manière dont les paiements sont effectués. Je veux parler aussi de la façon dont l’argent est géré par les exploitants de système de paiements ou les institutions financières.

Kate Frankish :
Oui, en effet. Qui aurait pensé il y a quelques années qu’on ferait autant d’achats sur Amazon et qu’on serait à l’aise de laisser les renseignements de notre carte sur le site? J’ajoute qu’Amazon a l’un des meilleurs systèmes antifraude au monde. De nos jours, on n’hésite pas à crier à Alexa de nous commander des céréales ou autre chose quand il n’y en a plus, et Alexa peut payer si la carte est enregistrée dans notre compte Amazon. Je pense que l’intelligence artificielle est une affaire de commodité. Les gens accordent énormément d’importance au temps. Et du temps, ils en ont moins. L’intelligence artificielle aide vraiment en ce sens qu’elle enlève les tâches monotones qui prennent du temps. Au Royaume-Uni, les systèmes bancaires ouverts sont en train de créer une norme qui permettrait aux consommateurs de fixer un ensemble de limites auprès de leur banque, ce qui serait possible avec l’intelligence artificielle.

On pourrait y arriver de plusieurs manières différentes, mais l’idée est que le client cède le contrôle et dise, par exemple : « Si mon solde descend à X, veuillez prendre 100 livres dans mon compte d’épargne dans telle autre banque. » On voit apparaître une foule de cas d’utilisation potentiels qui faciliteraient la vie des consommateurs. On pourra se servir de l’intelligence artificielle pour être le gestionnaire bancaire ou financier du consommateur. Je pense que c’est un secteur qui va commencer à prendre de l’essor.

Cyrielle Chiron :
Comme exploitant de système de paiements, vous intéressez-vous à l’intelligence artificielle et à l’apprentissage machine, comme moi et l’équipe de recherche, pour essayer de détecter la fraude? Parce que les paiements sont de plus en plus rapides, voire instantanés… On pourrait utiliser cette technologie pour détecter les anomalies. C’est la même chose pour vous, pas vrai?

Kate Frankish :
Oui. Nous travaillons étroitement avec notre fournisseur de plateforme actuel, Vocalink, pour créer plusieurs solutions qui auraient recours à l’apprentissage machine et à la reconnaissance de formes pour détecter la fraude. Vous avez raison, Cyrielle, parce que plus un paiement est en temps réel, moins on a le temps de faire des vérifications et d’empêcher les fonds de sortir. Il est très important d’être en mesure de détecter les anomalies en amont et d’atteindre un bon équilibre entre faux positifs et cas de fraude réels.

Cyrielle Chiron :
Exactement. Si une telle solution peut nous aider à détecter la fraude, au moins, on peut agir ensuite. J’en parlais avec quelqu’un il y a quelque temps, je ne me souviens plus qui c’était, mais cette personne était sceptique envers cette technologie, et je me disais : « Croyez-vous vraiment qu’une personne peut vérifier tout ce qui se passe en temps réel? » Il nous faut de l’aide pour relever les problèmes. Je suis heureuse que vous mentionniez les systèmes bancaires ouverts parce qu’on ne peut pas parler de tendances des paiements au Royaume-Uni sans parler de systèmes ouverts. Ce serait injuste de ma part.

J’aimerais connaître l’état de la situation au Royaume-Uni. Y a-t-il du nouveau? Vous avez parlé des nouveaux cas d’utilisation. Mais est-ce qu’il y a une chose qui a été lancée il y a un moment, disons, et dont vous aimeriez nous faire part? Parce qu’au Canada, on en discute en ce moment. Il y a un peu d’activité dans le secteur des systèmes bancaires ouverts. Pas autant que chez vous, mais j’aimerais vous entendre à ce sujet.

Kate Frankish :
Bien sûr. Avant d’arriver à Pay.UK, je travaillais dans une grosse banque qui concevait des interfaces de programmation pour les systèmes ouverts, entre autres. Je peux voir les deux côtés de la médaille. Les systèmes ouverts sont réellement en train de prendre de l’essor au Royaume-Uni, du moins relativement aux renseignements de compte. Avant, les gens n’avaient qu’une seule banque parce que c’était plus facile de gérer tous ses produits au même endroit. Il n’y a qu’une seule appli ou un seul service en ligne à utiliser. Avec un système ouvert, le consommateur peut choisir les meilleurs produits. Il peut avoir un compte d’épargne dans une banque (ou un fournisseur de services financiers) et un compte d’opérations courantes dans une autre. Il peut choisir les meilleurs produits, et il peut les mettre dans une seule et même appli afin de gérer son argent au même endroit.

C’est à cause de la réglementation. Les neuf grandes banques du Royaume-Uni ont dû concevoir des solutions et accorder l’accès aux données de leurs clients (moyennant leur permission) à ces entreprises qui créent des solutions pour aider les gens à gérer leurs finances. Les progrès ne sont pas aussi rapides du côté des paiements, mais on voit de plus en plus de paiements passer par les systèmes ouverts, ce qui favorise l’innovation. Je pense par exemple à Amex, qui est un fournisseur de cartes de crédit, mais pas de cartes de débit. Amex n’a rien à perdre en se servant d’un système ouvert qui n’utilise pas les canaux de paiement par carte, mais plutôt nos canaux de paiement accéléré. Amex a lancé les paiements par virement bancaire en 2019. Elle a noué des partenariats avec un certain nombre de commerçants.

Sur le site Web de chaque commerçant, il y a un bouton qui permet de payer par virement bancaire. Amex dirige alors le client vers sa propre banque. Les méthodes d’authentification sont excellentes. Donc, le client s’authentifie. Il approuve le paiement, et le paiement est transmis de son compte à celui du commerçant. Amex n’a pas été obligée de faire affaire avec toutes les banques. Elle n’a eu qu’à implanter sa solution chez les commerçants, alors qu’en temps ordinaire, il aurait fallu le faire des deux côtés. Bref, les systèmes bancaires ouverts favorisent vraiment une hausse de l’utilisation.

C’est un mode de paiement différent. Et ce que nous disent les consommateurs, au Royaume-Uni, c’est qu’ils veulent avoir du choix. Ils ne veulent pas toujours utiliser une carte. Quoique, bien sûr, les cartes offrent une protection non négligeable pour les paiements élevés. C’est un aspect des choses. Il se fait beaucoup de travail dans le secteur des systèmes bancaires ouverts. Plusieurs livrables sont attendus cette année, dont de nouveaux types de propositions. La gouvernance est en cours d’examen, tout comme l’organisation qui assure la surveillance des systèmes ouverts au Royaume-Uni. Beaucoup d’effervescence, beaucoup de changements.

Cyrielle Chiron :
Sans aucun doute. Parlant de changement, nous avons dit tout à l’heure que nos deux pays étaient en train de moderniser leur système de paiements. Ici, nous travaillons sur les paiements en temps réel. Mais vous, vous avez déjà les paiements accélérés et vous êtes en train d’organiser tout ça. Pouvez-vous nous dire ce que vous faites au Royaume-Uni?

Kate Frankish :
Bien sûr. Comme vous le dites, nous avons déjà les paiements accélérés. Nous avons ce qu’on appelle les « BACS »; c’est un cycle de paiement de trois jours qu’on utilise surtout pour le versement de salaires et le paiement de factures. Ce qu’on essaie d’instaurer, c’est une voie unique de paiements en temps réel amorcés par l’acheteur. Nos principaux objectifs sont que ce soit facile d’accès, que d’autres puissent s’en servir pour innover, et que ce soit avantageux pour les personnes qui utilisent nos systèmes et pour leurs clients.

Ce que notre concept a de particulier, c’est qu’il ne viendra pas avec toutes sortes de fioritures. Nous allons offrir une couche de base pour la compensation et le règlement, où le débit de traitement sera rapide. Nous allons offrir des interfaces de programmation aux fournisseurs, qui pourront ajouter des fonctions autres que les paiements. C’est une nouvelle architecture de paiements qui prendra un certain nombre d’années à mettre au point. Il faudra migrer les utilisateurs de notre plateforme actuelle à la nouvelle. La migration est toujours la partie la plus difficile d’un projet de modernisation. Nous avons cependant créé quelques nouveaux produits en chemin. Je ne sais pas si ça pourrait vous intéresser, mais nous pourrions parler un peu de la demande de paiement et de la confirmation du bénéficiaire.

Cyrielle Chiron :
Oui! J’adore parler. Allons-y!

Kate Frankish :
D’accord. L’année dernière, nous avons lancé deux solutions de « superposition de comptes ». Il s’agit d’un ensemble de normes et de règles qui permettent l’interopérabilité des services sans qu’on soit obligé de « connecter » le produit en tant tel à notre système. Ça n’a donc rien à voir avec notre système. Les gens peuvent faire affaire avec d’autres fournisseurs de technologies pour faire fonctionner le service. Tout d’abord, il y a une fonction qui permet aux fournisseurs (de services publics, par exemple) d’envoyer une demande de paiement à leurs clients. Ce n’est pas un paiement; c’est une demande. On dit au client le montant qu’il doit payer. On lui dit : « Votre facture d’électricité est de 40 livres, ce mois-ci. » Ensuite, le client peut accepter et régler la facture avec le mode de paiement de son choix. Il peut n’en payer qu’une partie s’il éprouve des difficultés financières et est incapable de payer le plein montant ce mois-ci. Sinon, il peut refuser et communiquer avec le fournisseur.

Le but de la demande de paiement est de donner aux clients (en particulier les clients vulnérables) plus de contrôle sur leurs finances. Car à l’heure actuelle, pour avoir les meilleurs tarifs au Royaume-Uni (sur les services publics, par exemple), il faut s’inscrire aux prélèvements automatiques. Le consommateur ne connaît pas toujours la date de prélèvement. Il ne connaît pas nécessairement le montant d’avance. Le fournisseur a plus de contrôle que le client. C’est ça, l’objectif de la demande de paiement : redonner le contrôle au client. Ça commence vraiment à prendre de l’ampleur. En fait, Mastercard a annoncé ce matin qu’elle allait offrir sa propre solution de demande de paiement. D’autres pourraient suivre son exemple.

Cyrielle Chiron :
Oui. J’ai vu ça ce matin, moi aussi. Je voulais savoir ce que vous en pensiez. Merci. C’est un bon point. Alors, vous êtes aussi occupés que nous.

Kate Frankish :
Oui. Moi qui suis dans les services financiers depuis longtemps, je ne pense pas avoir déjà travaillé aussi fort que cette année.

Cyrielle Chiron :
Je n’arrête pas de le dire : le monde des paiements, c’est là que tout se passe. Les choses vont tellement vite! Comme vous le disiez au début, on ne peut pas être passifs devant toute cette effervescence. Une dernière réflexion, maintenant. J’aimerais qu’on termine avec les tendances, avec l’avenir. Vous parlez de 2030… Tout comme vous, j’adore me projeter dans le temps. Tout ne va pas se réaliser nécessairement, mais il faut porter notre regard loin devant pour au moins s’organiser et se préparer à l’avenir. J’ai une dernière question. Que va-t-il se passer maintenant, selon vous? Qu’est-ce qui vous rend enthousiaste quand vous pensez à l’avenir des paiements? Vous ne pouvez pas parler de modernisation [inaudible].

Kate Frankish :
Non, mais ce serait formidable! Je suis certaine que vous vous dites la même chose.

Cyrielle Chiron :
Oui. C’est la même chose pour moi.

Kate Frankish :
En fait, vous savez quoi? Je ne peux pas croire que je vais dire ça parce que c’est une technologie assez vieille, mais je pense que la résurgence des codes QR est très intéressante. Je pense qu’une norme de paiement pourra être instaurée pour faciliter l’utilisation des codes QR par les petites entreprises, pour qu’on n’ait pas besoin de faire des changements au point de vente pour accepter les paiements autres que par carte. Nous allons assurément tenter de voir s’il y a un marché pour que nous puissions élaborer et offrir cette norme de paiement. Bref, c’est à surveiller.

Cyrielle Chiron :
Oui. Je suis du même avis. La chose que j’ai vraiment hâte de voir également, ce sont les paiements de compte à compte au point de vente. Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Merci beaucoup d’avoir été avec nous. C’était une très bonne discussion. Vous nous avez transmis une foule de renseignements utiles, et je vous en remercie.

Kate Frankish :
Merci, Cyrielle. Le plaisir est pour moi.

Cyrielle Chiron :
Et maintenant : l’avenir. Il est évident que l’écosystème des paiements continuera d’évoluer de façon spectaculaire au Canada et ailleurs dans le monde, grâce aux nouvelles technologies, aux demandes des consommateurs et aux changements dans la dynamique concurrentielle. C’est pourquoi nous devons absolument continuer d’examiner les tendances à l’échelle mondiale, et pas seulement au Canada. Nous aurons alors une vue d’ensemble de ce que nous réserve l’avenir et pourrons élaborer un plan pour nous assurer que le Canada demeure concurrentiel en matière de paiements numériques. Kate, merci encore d’avoir fait cette entrevue avec moi pour nous éclairer de vos lumières. J’ai une question pour ceux qui nous écoutent, maintenant. D’après vous, quelle sera la prochaine grande tendance des paiements? Nous aimerions vraiment savoir ce que vous en pensez. Vous pouvez aussi participer aux discussions en ligne en utilisant le mot-clic #paiementsmodernes. De plus, restez en contact en vous inscrivant à notre congrès annuel, le SOMMET de Paiements Canada, à l’adresse thesummit.ca. Je m’appelle Cyrielle Chiron, et je vous remercie d’avoir été des nôtres.

Continuer à lire