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Épisode 21 : La quête de l’expérience client

La pandémie a changé les paiements pour toujours et nous a catapultés en 2025. Alors que les paiements numériques sont presque universellement acceptés, la prochaine ruée vers l’or repose dans l’expérience client – maîtrisez l’expérience client, vous maîtriserez la valeur. Quels enseignements l’industrie des paiements peut-elle tirer de la naissance de la carte de crédit dans les années 1950 pour créer la norme des services dans le contexte d’aujourd’hui? Quel rôle les institutions traditionnelles joueront-elles dans l’incroyable innovation qui alimente l’industrie des paiements? Dans cet épisode de PayPod, l’animatrice Cyrielle Chiron s’entretient avec Michael Abbott, chef des services bancaires mondiaux à Accenture, pour faire le point sur les idées explorées dans le cadre de sa conférence au SOMMET 2021 – retour sur l’avenir des paiements.

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Invités :

Michael Abbott, chef des services bancaires mondiaux à Accenture

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Transcription du podcast

Cyrielle Chiron :
Dans son discours liminaire au Sommet de 2021, Michael Abbott, directeur principal de la Direction des pratiques bancaires mondiales chez Accenture, a examiné le passé pour parler de l’avenir des paiements. Michael laisse entendre que les responsables des paiements peuvent tirer de précieuses leçons de l’apparition des cartes de crédit dans les années 1950, afin de s’adapter aux attentes en rapide évolution des clients. Pourquoi ces leçons sont-elles si importantes? C’est parce que la prochaine ruée vers l’or, selon Michael Abbott, repose dans l’expérience client. Si vous maîtrisez l’expérience client, vous maîtriserez la valeur. Je m’appelle Cyrielle Chiron et je suis cheffe de la stratégie à Paiements Canada et hôte de The PayPod. Dans cet épisode, nous allons revenir sur l’avenir des paiements. Nous nous entretiendrons avec Michael pour approfondir le sujet de l’expérience client. Quelles leçons pouvons-nous tirer du passé? Comment notre paradigme axé sur le numérique transforme-t-il l’écosystème des paiements? Et enfin, comment entrevoit-il l’avenir? Tout d’abord, pour nous mettre en contexte, écoutons son discours au Sommet de 2021.

Michael Abbott :
Bonjour. Je m’appelle Michael Abbott. Je dirige le service des pratiques bancaires mondiales d’Accenture, qui comprend le groupe des paiements. J’attends avec impatience la reprise des activités en personne, tout comme vous j’en suis sûr. Les discours liminaires sont bien plus agréables en personne. Au cours de la dernière année, nous avons parlé à des centaines de clients et à des milliers de consommateurs dans un nombre incalculable d’entreprises de technologie financière. Ce que nous avons appris, c’est que sous la surface plastique que nous voyons aujourd’hui, il y a des forces tumultueuses qui redéfinissent notre secteur. La bonne nouvelle, c’est que ce scénario nous est familier. En tant que secteur, nous pouvons en écrire la fin. Or, les décisions que nous prendrons au cours des prochaines années façonneront le discours liminaire de Paiements Canada qui sera prononcé en 2030. La question est de savoir si les banques continueront de stimuler l’incroyable innovation qui a nourri le secteur des paiements. Sommes-nous sur le point de devenir une simple ligne au générique? C’est un retour vers le futur, alors allons-y.

Personne ne doute du fait que la pandémie a changé les paiements pour toujours. Le paiement sans contact a explosé. L’utilisation du numérique bat des records dans tous les groupes d’âge. L’année 2025 est déjà là. Ce que nous voyons, c’est la convergence de deux super-cycles, qui influencent discrètement tous les aspects des services financiers. Le premier super-cycle correspond à une nouvelle normalité. C’est la convergence de la technologie et des banques. Nous occupons le même espace de plus en plus bondé, et il est maintenant difficile de faire une distinction. En Amérique du Nord, presque toutes les applications bancaires ont une note de 4,8 ou plus. C’est un [paysage homogène 00:02:58]. Le numérique n’est plus une caractéristique distinctive, et les consommateurs utilisent davantage les marchés d’applications non bancaires et les plateformes qui rendent les paiements invisibles. Nous savons tous de qui il s’agit. Les Amazon, les Uber, les DoorDash de ce monde. Comme m’a dit ma femme l’autre jour : le plaisir, c’est d’acheter, pas de payer. Que nous le voulions ou non, nous entrons dans l’ère post-numérique des banques.

Le deuxième super-cycle, qui est peut-être le plus important pour les banques et les paiements, est la bataille pour le contrôle de l’expérience. Depuis des années, la rumeur veut que les données bancaires soient le Saint-Graal des entreprises de technologie financière. On nous dit qu’elles valent une fortune. Hélas, j’ai une vérité dérangeante à vous dévoiler aujourd’hui. Sur le marché libre, les données bancaires des consommateurs ne valent presque rien. Elles ne sont pas sans valeur, mais aujourd’hui nous pouvons acheter des données sur les transactions par carte pour nos partenaires du secteur du détail pour environ dix cents par personne. C’est la vérité. Les données sur les transactions par carte sur le marché libre valent environ dix cents : une pièce de dix cents pour vos données. Quand on y pense, ce n’est pas surprenant. Posez-vous la question : les données de Facebook valent-elles quelque chose sans l’application elle-même? Je dirais qu’elles ont peu de valeurs sans Facebook. C’est la possibilité de changer l’expérience à l’aide des données qui, au bout du compte, crée de la valeur. Ce ne sont pas les données elles-mêmes. Maîtrisez l’expérience client et vous maîtriserez la valeur.

La bonne nouvelle, c’est que nous avons déjà vécu une situation semblable et que le secteur a su relever le défi. C’était dans les années 1950, et les paiements étaient sur le point de changer pour toujours. C’était l’invention de la carte de crédit. Pendant la dépression des années 1930, pour stimuler les ventes, les marchands ont commencé à accorder des crédits aux consommateurs. C’était un système simple en boucle fermée. Aujourd’hui, c’est le principe d’une carte de crédit privative. L’outil numérique équivalent dans le marché contemporain est notre application bancaire. C’est une application en boucle fermée. Finalement, une personne s’est demandé : « Pourquoi traîner toutes ces cartes? Pourquoi garder toutes ces applications? Une seule ne suffirait-elle pas? » Dans les années 1950, Diners et American Express ont fait leur apparition. Il s’agissait des premiers produits en boucle ouverte. Les banques n’étaient néanmoins pas inquiètes. Elles étaient responsables des dépôts et des succursales et l’adhésion était lente. Aujourd’hui, Google et Apple Pay entrent en jeu. Les banques se sont finalement rendu compte qu’elles avaient un problème et elles ont commencé à innover.

Bien sûr, elles ont d’abord établi leurs propres réseaux en boucle fermée, comme la Bank of America. Elles ont fini par comprendre que les paiements sont un jeu de réseau qui se joue mieux en équipe. Elles se sont donc réunies pour créer en collaboration les cartes Visa et Mastercard. Le défi aujourd’hui, c’est que Visa et Mastercard n’ont pas d’équivalents du point de vue des portefeuilles numériques. Il y a aussi de grandes différences. La technologie a tout changé. Nous ne disposons plus de décennies pour innover : dans le meilleur des cas, nous aurons quelques années. Les paiements numériques sont partout. Les consommateurs dépensent sur leurs cartes plus de 35 billions de dollars à l’échelle mondiale. Nous devons donc nous poser une question simple. Combien serions-nous prêts à investir pour influencer une expansion de 35 billions de dollars? C’est la bataille pour le contrôle de l’expérience client. L’innovation se fait en quelques années au lieu de s’étaler sur des décennies. Lorsque les nouvelles banques entrent dans le secteur bancaire, elles mettent presque toujours l’accent sur les paiements. Dans le cadre de son partenariat avec Transferwise, N26 permet de transférer de l’argent facilement et à moindre coût. Mon fils, qui vit en Allemagne, avait besoin de transférer des fonds localement.

Il a ouvert un compte N26 en quelques minutes et l’a lié à son compte américain en utilisant Transferwise. Maintenant, il transfère des fonds d’un compte à l’autre et ne retournera plus jamais dans une grande banque. Chime est un autre bon exemple. Pendant la pandémie, l’entreprise a gagné huit millions de nouveaux utilisateurs. Leur proposition de valeur est toute simple. Il est possible d’obtenir sa paie quelques jours plus tôt, c’est tout. Les gens peuvent recevoir leur paie plus rapidement. Il s’agit avant tout d’innovations axées sur les paiements. Aussi, tout le monde devient un terminal de paiement. Que ce soit par Square, Venmo, Interact, WePay ou AliPay, bientôt il nous suffira de retourner notre téléphone pour faire un paiement sans contact à n’importe qui. Chaque personne devient un terminal de paiement. Enfin, notre téléphone devient notre portefeuille. Presque tout ce que nous avions dans notre portefeuille se trouve maintenant sur notre téléphone : nos applications de paiement, bien sûr, nos passeports, nos cartes de fidélité, nos applications de santé et notre permis de conduire.

Tout ce qui manque maintenant, c’est de l’argent comptant. Cela aussi ne tardera pas à changer, compte tenu de l’émergence des monnaies numériques. En parlant des monnaies numériques, si vous pensez que le huard est indispensable, je me souviens encore de l’époque où l’on pouvait acheter une bière dans un bar en donnant un billet Sandy McTire. C’était peut-être la première forme de cryptomonnaie. Rien n’est véritablement nouveau. Alors, parlons de la façon dont la technologie fait évoluer l’expérience client. Tout d’abord, il faut bien comprendre que la prochaine ruée vers l’or repose dans l’expérience client. Apple, Google, PayPal, AliPay ou WePay : ils ont tous le même but. Ils veulent maîtriser l’expérience de paiement afin d’influencer le comportement d’achat. Si vous maîtrisez la recherche, vous êtes maître de la publicité numérique. Si vous maîtrisez le portefeuille, vous maîtrisez le commerce. Enfin, si vous maîtrisez le commerce, vous pouvez influencer des dépenses mondiales équivalant à 35 billions de dollars. Les banques et les paiements convergent discrètement.

Imaginez que chaque fois que vous sortez votre carte de débit, votre solde est affiché au recto. Quand vous l’utilisez pour payer sans contact, le solde se met à jour instantanément. Est-ce que vous laisseriez tomber cela? Certainement pas. Pourquoi? Parce que cela nous donne le sentiment d’être aux commandes. Il y a une raison pour laquelle plus de 90 % de l’utilisation des applications bancaires consiste simplement à vérifier son solde. Nous voulons savoir où nous en sommes. C’est aussi simple que cela. Autrement dit, du point de vue de la technologie, les banques sont à une interface utilisateur près de devoir transférer au portefeuille 90 % de l’utilisation des applications bancaires mobiles. Pensez-y. Une interface utilisateur pourrait éliminer 90 % de l’utilisation déclarée d’applications bancaires mobiles. C’est le pouvoir et le risque de la technologie. C’est une guerre froide pour le contrôle de l’expérience. L’objectif suprême : une super-application. Une application unique où vous pouvez magasiner, payer, épargner et, plus important encore, faire des opérations bancaires. Tout le monde la veut.

Regardez ce que Google Plex a fait du portefeuille de nouvelle génération : on y trouve des paiements, des services bancaires, des offres et un programme de fidélisation. Ça viendra, et ce, beaucoup plus rapidement que nous ne le pensons. Qu’est-ce qu’une banque ou, plus important encore, qu’est-ce que le secteur bancaire peut faire? Tout d’abord, nous devons penser au-delà du paiement. Comment pouvons-nous intégrer les offres au processus de paiement? Pourquoi toutes les cartes n’offriraient-elles pas un financement promotionnel? Pourquoi l’information sur la facturation n’évoluerait-elle pas en même temps que les paiements au lieu de s’organiser autour de ceux-ci? Le marché de la publicité vaut des milliards de dollars, alors que les expériences bancaires sont correctes sur le plan fonctionnel, mais dénuées d’émotions. Elles ont peu à offrir au-delà de l’essentiel. Nous devons réfléchir à une façon de dynamiser les paiements, puis nous devons aller au-delà du paiement. Il faut innover, et je crois que c’est plus facile que nous le pensons. Apple n’a pas inventé le téléphone intelligent en premier, mais sa formule était la bonne.

L’entreprise a copié, amélioré et reproduit la formule. Pourquoi les banques ne peuvent-elles pas rendre les paies disponibles quelques jours plus tôt? Pourquoi les banques ne peuvent-elles pas simplifier le transfert d’argent dans leurs applications? Pourquoi ne puis-je pas déposer de la cryptomonnaie dans mon compte d’épargne? Pourquoi ne puis-je pas voir des offres dans mon application bancaire? La meilleure défense dans cette bataille à venir pour l’expérience sera une bonne attaque. Il faut comprendre que le champ de bataille évolue rapidement. Concentrez-vous sur le portefeuille mobile. Voici une question simple pour les personnes qui m’écoutent aujourd’hui. Si vous êtes une banque, pourquoi ne puis-je pas faire de paiements sans contact avec votre application mobile? Il suffirait de quelques interfaces utilisateurs pour que Google et Apple absorbent presque toute l’utilisation des applications bancaires mobiles dans leurs portefeuilles. Regardez la carte Apple et l’application Google Plex. Elles s’en viennent. Alors, pourquoi ne puis-je pas faire de paiements sans contact avec votre application bancaire mobile? Pensez aussi à la façon de donner vie à votre carte.

Pourquoi ne pas afficher le solde au recto de la carte? Montrez les fonds disponibles pour l’achat, le solde de récompenses. Offrez une expérience à vos clients au lieu de les mener vers celle offerte ailleurs. Encore une fois, posez la question et répondez-y. Pourquoi ne puis-je pas faire de paiements sans contact avec mon application bancaire mobile? Il y a 60 ans, des pionniers du secteur bancaire se sont réunis et ont révolutionné le monde des paiements. Ils ont découvert la force qui réside dans l’union et les normes. Ce n’est pas différent aujourd’hui. Nous devons travailler ensemble pour réussir. Avant tout, il faut reconnaître que les autres banques ne sont pas la concurrence. La concurrence a trait à l’expérience. Établissez des normes pour les services au-delà des paiements. La présentation des offres, la facturation, la fidélité. Rendez tout cela ouvert et accessible à tous et à toutes.

Exigez des règles de jeu équitables en ce qui concerne les paiements. Exigez une réponse à la question : pourquoi ne puis-je pas faire de paiements sans contact avec mon application bancaire mobile? Seule l’expérience client permet d’établir les normes et d’offrir un produit concurrentiel. Si nous écrivons la fin souhaitée, nous influencerons l’avenir du secteur ensemble. Si nous ne le faisons pas, d’autres écriront la fin pour nous. Je suis malgré tout convaincu qu’ensemble, nous pouvons et nous allons encore une fois écrire la suite de l’histoire des paiements. Merci. J’espère vous revoir en personne en 2022. Merci beaucoup.

Cyrielle Chiron :
Michael Abbott, bienvenue au balado.

Michael Abbott :
Merci de cette aimable présentation. Je suis heureux d’avoir cette discussion aujourd’hui.

Cyrielle Chiron :
Nous avons réécouté votre discours du Sommet de 2021, qui a eu lieu au printemps dernier, et nous revenons sur l’avenir des paiements. J’aimerais débuter en parlant des paiements d’aujourd’hui. Vous avez parlé de la façon dont la pandémie a accéléré l’essor des paiements numériques, au point où nous avons déjà atteint les prévisions pour 2025. Comment décririez-vous le contexte actuel? Est-ce que ce rythme accéléré du changement est la nouvelle norme?

Michael Abbott :
Dans le cas de la pandémie, ce que je constate, c’est que nous pensons généralement rétrospectivement à 2020. Nous nous rendons compte après coup que quelque chose s’est produit et qu’il y a eu un changement radical. Nous sommes actuellement témoins de cette pandémie. Nous savons qu’elle a complètement changé la façon dont toutes les activités se dérouleront dorénavant, en particulier dans le secteur bancaire, surtout dans les paiements. Ce que je veux dire, c’est qu’en rétrospectif, si vous réfléchissez à la façon dont vous payiez avant la pandémie, vous n’auriez vu aucun problème à entrer, à toucher un clavier et à y saisir votre code. Maintenant, nous sortons, nous nous désinfectons les mains, puis nous […]

Cyrielle Chiron : 
Nous ne voulons toucher à rien.

Michael Abbott :
Nous ne voulons toucher à rien. Parce que notre façon de penser a radicalement changé. Dans le même ordre d’idées, cela a eu certaines répercussions et celles-ci sont observables. Il y a eu une réduction marquée de l’argent comptant en circulation dans le monde. Il y a eu plusieurs publications sur le sujet, et vous l’avez certainement remarqué aussi. En plus, certaines fonctions comme les paiements sans contact et les paiements mobiles ont pris de l’ampleur. Donc, nous avons même écarté le mode traditionnel de puce et de code secret. C’est la façon dont nous le voyons maintenant. Nous passerons à des processus sans contact du début à la fin. L’argent comptant diminuera.

En même temps, du côté bancaire, nous avons vu une population très différente commencer à adopter le numérique. Une population générale, toutes catégories confondues. Donc, tout à coup, des personnes qui, selon nos prévisions, n’allaient pas adopter les paiements numériques les adoptent rapidement et à grande échelle. S’ensuit alors un mouvement de transformation profonde. Je ne pense pas que nous reviendrons un jour à notre ancienne conception des paiements.

Cyrielle Chiron :
Oui, c’est vrai. C’est une bonne mise en contexte en fait. Cela nous permet de mieux comprendre, et je suis d’accord avec vous. Beaucoup de choses changent très rapidement. Et maintenant, nous devons nous adapter à une nouvelle normalité, si je puis dire. J’aimerais parler d’un concept sur lequel vous avez insisté, soit l’expérience client, que vous avez mentionnée dans votre vidéo. J’aurais deux questions à vous poser concernant votre énoncé : « maîtrisez l’expérience client, vous maîtriserez la valeur ». D’abord, comment la bataille pour le contrôle de l’expérience client transforme-t-elle l’écosystème des paiements? Ensuite, quels rôles envisagez-vous pour les institutions traditionnelles et pour les nouveaux acteurs?

Michael Abbott :
Oh, Cyrielle! Ce sont des questions délicates. Je pense que nous allons passer quelques minutes là-dessus, et peut-être même répondre à des sous-questions. Nous allons les décortiquer, car ce sont deux questions très importantes et intéressantes. Commençons par la première question, celle sur la bataille pour le contrôle de l’expérience. Dans mon discours, j’ai pris des gants blancs, mais approfondissons la question aujourd’hui. Parlons de ce qui se passe réellement et de ce dont il faut s’inquiéter. Comme les paiements sont devenus virtuels et que nous avons commencé à payer sans contact avec nos cartes, nos téléphones et tout le reste, il y a une prise de conscience très discrète dans le secteur.

On se rend compte de l’importance de l’expérience client. Si vous maîtrisez l’expérience, vous pouvez influencer ou changer le comportement des gens. Je vais situer l’enjeu dans un contexte un peu différent. Tout le monde dans le secteur des paiements pense que ses données valent une fortune. Je ne suis pas de cet avis. Je dirais que les données elles-mêmes ne valent presque rien. Elles ont une certaine valeur, car nous achetons en fait des données de paiement pour diverses entités, mais elles sont très bon marché. Le prix des données des consommateurs américains sur le marché libre des paiements est d’environ dix cents. C’est une pièce de dix cents par personne par année. En fait, si les données de paiement valaient une fortune, il y aurait une entrée correspondante dans l’état des résultats. Tout le monde, dans son état des résultats, aurait une ligne relative aux paiements qui indique les revenus générés par la vente de données. Nous ne le faisons pas, car ce n’est pas ce que nous voulons.

Ce raisonnement permet de conclure que la richesse des données de paiement vient du fait qu’elles permettent d’influencer le comportement. Par exemple, les données de Facebook valent-elles quelque chose sans Facebook? Probablement pas. Je dirais que les données de Facebook ne valent probablement pas grand-chose sans Facebook. Leur valeur repose sur leur utilité pour l’influence du comportement. Revenons donc à votre question sur la bataille pour le contrôle de l’expérience. Que vous soyez l’une des plus grandes entreprises de technologie financière au monde ou monsieur et madame Tout-le-Monde, la véritable bataille dans le secteur des paiements vise l’expérience client. Si vous la maîtrisez, vous pouvez influencer le comportement des consommateurs en utilisant les données de paiement ou d’autres données, quelles qu’elles soient. Donc, la maîtrise de cette expérience devient incroyablement précieuse. Faisons un petit tour au sud de la frontière.

Prenons la carte Apple, qui a été lancée par Goldman Sachs. La véritable innovation n’est pas la carte en soi, ni le produit de paiement, ni un autre aspect matériel. La carte elle-même est une carte de remise en argent ordinaire. La véritable innovation, c’est qu’il n’y a pas d’application bancaire mobile. Je voudrais insister sur ce point : il n’y a pas d’application bancaire mobile. L’expérience est entièrement intégrée dans le portefeuille. Ils ont intégré l’expérience des paiements à une expérience bancaire et ils en ont fait une carte. Donc, si je m’adresse aux auditeurs et auditrices, si vous y pensez… Disons que vous écoutez le balado depuis une banque, et que vous avez une application bancaire mobile. Des études à travers le monde révèlent que 90 % de l’utilisation de l’application bancaire consiste simplement à vérifier son solde. D’accord. Les gens veulent simplement connaître leur solde. Disons que vous faites partie de la clientèle des paiements et que je vous propose d’afficher le solde de votre compte sur le devant de votre carte de débit de manière à ce que vous soyez la seule personne à le voir en temps réel. Vous dépensez et le solde descend. Voudriez-vous y renoncer?

Je ne pense pas. C’est comme si j’intégrais une interface utilisateur de votre application bancaire mobile à un portefeuille mobile, par exemple à Apple Pay ou à Google Pay. Tout à coup, votre solde s’affiche au recto de la carte et vous pouvez envisager de transférer 90 % de l’utilisation de l’application bancaire mobile dans le portefeuille mobile grâce à une interface utilisateur. Par conséquent, la bataille vise cette expérience : l’expérience des paiements. Si vous maîtrisez cette expérience, vous pourrez vraisemblablement générer une réelle valeur, notamment parce que vous pourrez utiliser les données. Je sais que c’était une longue réponse à votre question [cacophonie 00:20:34] et importante. J’espère que vous comprenez mieux où nous voulions en venir, maintenant que vous avez un peu plus d’information que celle fournie dans le discours.

Cyrielle Chiron :
C’est très intéressant et cela m’amène à poser une autre question. Vous dites… Cela ressemble au concept de modernisation. Ils ont lancé de nouvelles initiatives. Vous avez parlé d’interfaces utilisateurs interconnectées, soit quelque chose qui n’existait pas au sud de la frontière. Maintenant, vous savez que de nombreux pays modernisent leurs systèmes de paiement, dont le Canada et les États-Unis. Beaucoup d’initiatives sont mises en œuvre. Évidemment, c’est à un certain degré. On parle de sécurité, d’information en temps réel, de vitesse et de données. C’est une question que vous avez abordée en parlant de l’interopérabilité. Pour revenir à ces thèmes, que pensez-vous de ces initiatives et des innovations comme la carte Apple, qui mènent à de nouveaux services ou à de nouvelles solutions et possibilités pour les consommateurs? La carte Apple est un exemple. Avez-vous d’autres exemples qui ne correspondraient pas à des cartes?

Michael Abbott :
Cela nous ramène à une autre partie du discours dont nous parlions, mais encore une fois, nous allons approfondir la question aujourd’hui. Il est impossible de tout dire dans ces belles allocutions.

Cyrielle Chiron :
Oui, vous avez raison.

Michael Abbott :
Nous allons approfondir un peu la question. Donc, ce à quoi vous faites référence, si je me souviens bien, c’est la partie intitulée Retour vers le futur. Je l’ai intitulée ainsi parce que selon moi, si les banques veulent être gagnantes dans le secteur des paiements, elles ne doivent pas adopter une approche où le vainqueur remporte tout. Je ne pense pas qu’une seule banque inventera quelque chose et qu’elle assoira sa domination. Dans le secteur des paiements, il faut jouer en équipe. La référence de Retour vers le futur faisait en fait allusion à l’arrivée des cartes American Express et Diners Club dans les années 1950. Des entreprises ont proposé des cartes de crédit et les banques ont dit : « Nous avons de l’argent et des chèques. Pourquoi aurions-nous besoin de cela? » Elles n’y ont alors pas prêté attention. La situation se reproduit aujourd’hui avec les entreprises de technologie financière. En fin de compte, elles se sont converties et elles se sont dit : « Oui, ce truc de paiements pourrait bien fonctionner. Nous devons travailler ensemble. »

Elles ont alors créé les prédécesseurs des cartes Visa et Mastercard, comme outil de collaboration. Donc, pour revenir à ce que vous disiez, ce que le secteur des paiements peut faire et ce que d’autres font en se servant de l’interface utilisateur visent essentiellement à permettre aux gens d’effectuer des paiements n’importe où, n’importe quand et de la façon de leur choix. Je crois que c’est crucial pour l’avenir des paiements. Nous le voyons partout dans le monde. C’est essentiel pour l’avenir, car c’est une façon pour les banques de collaborer à l’échelle nationale et d’établir un ensemble de normes. Réfléchissez à ceci : pouvez-vous imaginer un monde où nous aurions tous un réseau Wi-Fi différent? Partout où nous irions, rien ne fonctionnerait. Nous avons donc besoin de […]

Cyrielle Chiron :
C’est très difficile aujourd’hui. Alors [cacophonie 00:23:17]

Michael Abbott :
Oui. Imaginez qu’il y ait 25 normes différentes de Wi-Fi. Nous serions perdus. C’est la même chose pour les paiements. Nous avons besoin d’établir des normes et des principes fondamentaux qui nous permettront de transférer l’argent en temps réel. Je pense que cela mènera à une multitude d’innovations. Par exemple : pourquoi ne pourrions-nous pas transférer des fonds par messages textes, dans l’application même? Cette expérience doit-elle se limiter à un seul endroit? Pourquoi ne pas le faire dans d’autres domaines? Comment créer ou envisager de nouveaux réseaux de commerçants et de paiements pour des secteurs ou des services spécialisés?

Comment examiner les paiements commerciaux et les paiements d’entreprise, alors qu’à l’heure actuelle, les données qui y sont associées ont tendance à atterrir dans des comptes fournisseurs et dans des comptes clients en passant par des filières qui n’ont rien à voir avec celle des paiements? Pourquoi ne pas mettre tout ça en commun? Les paiements de soins de santé, les règlements et d’autres opérations. Ces systèmes de paiement sous-jacents pourraient se transformer en plateformes ouvertes auxquelles plusieurs personnes peuvent se connecter. Je pense que nous commençons tout juste à voir comment cela peut stimuler l’innovation. Nous ne pouvons qu’imaginer à quoi cela ressemblera.

Cyrielle Chiron :
C’est vraiment génial. J’aimerais revenir à ce que vous disiez au sujet des cartes de crédit dans les années 1950. Je pense que c’est un bon point de référence. Vous avez parlé d’établir de bonnes normes, et je suis tout à fait d’accord avec vous. Y a-t-il autre chose qui, selon vous, serait une leçon à tirer de ce qui a été fait dans les années 1950 et qui n’a peut-être pas très bien fonctionné? Y a-t-il des éléments du passé que nous comprenons mieux aujourd’hui et sur lesquels nous pourrions nous baser pour ne pas répéter certaines erreurs? Sinon, aimeriez-vous dire autre chose?

Michael Abbott :
Oh, il y a de bonnes leçons… En regardant dans le rétroviseur, vous pouvez toujours en apprendre beaucoup. En fait, j’ai toujours… je pense que ce sont nos échecs qui nous donnent les meilleures leçons. Parce que [cacophonie 00:25:05] les échecs nous en apprennent beaucoup. Revenons un peu en arrière. Oui. En passant, nous avons répété certains échecs à l’occasion aussi. Voici une grande leçon sur les paiements, surtout en ce qui concerne les réseaux de paiement. Tout le monde pense que les paiements consistent à payer, mais en réalité, si l’on observe la façon dont les paiements s’échelonnent, ils consistent à recevoir l’argent. Ce que je veux dire par là, c’est que l’image de marque est presque aussi importante que les normes sous-jacentes. Prenons l’exemple d’AliPay et de WePay en Chine. En fait, nous avons republié quelque chose là-dessus il y a un certain temps : tout le monde pensait qu’ils allaient devenir très populaires.

Nous pensions qu’ils allaient s’étendre partout dans le monde. En fin de compte, cela n’a pas été le cas. Ils n’ont même pas pu se tailler une place dans d’autres pays. Ils sont allés à certains endroits, comme au Brésil, mais il n’y a rien eu de concluant. Voici pourquoi, voici ce qui nous a tous échappé. AliPay et WePay n’étaient pas fondés sur les paiements, ils étaient fondés sur l’acceptation. Il y avait donc un manque d’acceptation à l’époque. L’enjeu résidait dans l’acceptation des paiements et dans l’image de marque connexe. Une fois que cette question est réglée, vous pouvez aller de l’avant. Vous essayez d’introduire ce produit dans des marchés matures qui présentent déjà de solides notes d’acceptation et vous êtes capable d’y aller, mais en fin de compte cela ne fonctionne pas. Appliquons cette leçon à… prenons l’exemple de tout à l’heure, celui de la messagerie texte.

Il ne sera pas suffisant d’intégrer la fonction à une application de messagerie texte et de dire : voilà, vous pouvez être payés. Les gens vont vouloir connaître la marque dont il est question. Par exemple : vous pouvez me payer par message texte en utilisant tel ou tel service. Donc, l’obtention de l’image de marque et la facilitation de l’acceptation, sous diverses formes, représentent une énorme leçon apprise. Une autre grande leçon qui saute aux yeux, c’est que personne ne gagne en cas de fraude ou de risque. Personne ne gagne.

Cyrielle Chiron :
C’est vrai.

Michael Abbott :
Personne ne gagne en cas de fraude ou de risque. Donc, il faut avant tout collaborer et partager des données pour prévenir la fraude et le risque. Offrir la meilleure protection contre la fraude et le risque n’est pas une stratégie gagnante. C’est un enjeu auquel tout le secteur doit faire face en collaboration pour réussir dans cette optique. C’est intéressant quand nous nous penchons sur la question des paiements… puisque nous sommes des chefs de file en la matière. Nous devons commencer à réfléchir à la façon dont nous pourrions collaborer davantage, et non pas moins. Je pense que beaucoup d’entre nous ont déjà considéré l’autre banque comme notre ennemi. Dans le cas des paiements, c’est faux. Elle est votre alliée. Si vous ne travaillez pas avec elle pour établir des normes, comme dans notre exemple du Wi-Fi, vous allez vous nuire et offrir le marché sur un plateau d’argent aux entreprises de technologie financière.

Cyrielle Chiron :
Je suis d’accord. Vous avez raison. Un produit peut être incroyable, mais si personne ne peut l’utiliser et que personne ne l’accepte, il est inutile. Vous avancez alors en vase clos.

Michael Abbott :
C’est exact. Vous et moi, nous pourrions nous envoyer de l’argent, mais [cacophonie 00:27:54] je pourrais m’envoyer de l’argent à moi-même, mais à quoi bon?

Cyrielle Chiron :
À quoi cela servirait-il? Aussi, je suis d’accord avec vous au sujet de la fraude. Il n’y a rien de… c’est ce qui importe le plus. Personne n’est gagnant s’il y a une atteinte grave ou… Il s’agit de défauts de paiement, mais c’est la même chose pour les données. Nous en revenons aux données et à l’expérience client.

Michael Abbott :
Eh bien, soit dit en passant, les données sont un point important. Je vais y revenir très rapidement. C’est pour cette raison que tout le monde se dit : oh, nos données valent une fortune, mais nous ne les vendrons pas. En fait, si nos clients apprenaient ou soupçonnaient que nous vendons leurs données de paiement, ils seraient mécontents. Regardons la réalité en face. Les données sur les clients visent à aider ces derniers et à nous permettre d’améliorer leur expérience. Dans cette optique, nous obtenons un point de vue très différent par rapport à la stratégie des paiements à l’échelle nationale.

Cyrielle Chiron :
En effet, je suis d’accord. J’ai une dernière question à vous poser. Vous l’avez 
déjà dit, beaucoup de choses vont se passer. Nous allons voir comment beaucoup de questions évoluent, mais j’aimerais savoir à quel point vous êtes enthousiaste face à l’avenir. Donc, parmi toutes ces possibilités dont vous avez parlé, y en a-t-il une en particulier que vous attendez avec impatience?

Michael Abbott :
Une chose que j’attends avec impatience…

Cyrielle Chiron :
Vous pouvez en dire plus qu’une si vous le voulez.

Michael Abbott :
Il est difficile de répondre à cette question. Quand je regarde ce qui se passe ailleurs dans le monde… Je vais faire le tour… Je vais faire un tour du monde. Je dirais qu’une des choses que je trouve… je ne dirais pas que je l’attends avec impatience, mais je trouve que c’est la chose la plus intrigante en ce moment. Dans certains pays, notamment en Inde, nous avons vu apparaître un mandat voulant que les réseaux soient interreliés pour que… Vous commencez donc à voir émerger un modèle de réseau de réseaux dans le monde. Nos réseaux de paiement ont eu tendance à être relativement proches. Je veux dire que si vous disposez d’un réseau, vous l’utilisez. Visa accepte AMEX et ainsi de suite. Expliqué ainsi, c’est évident. Cependant, l’idée de pouvoir traverser ces réseaux de façon très harmonieuse et d’en élargir l’accès présente un énorme potentiel sur tous les plans. La façon dont les paiements fonctionnent changerait du tout au tout de ce point de vue.

À mon avis, si vous regardez le monde et que vous vous demandez ce qui pourrait fondamentalement changer les paiements, ce serait de mettre en place un réseau de réseaux et de parvenir à le faire fonctionner à long terme. Ce serait complètement différent. Ce qui se produirait alors, c’est que notre exemple de tout à l’heure concernant la nécessité d’avoir une marque ne serait plus pertinent. En fait, la marque serait inutile. Il suffit de connaître la personne et de savoir qu’elle a, disons, une adresse. Vous ne seriez plus inquiets, que ce soit comme entreprise ou consommateur. Vous ne penseriez pas à la façon dont le paiement s’effectue. Vous le sauriez. Par exemple, le fait de savoir que je vous l’envoie à vous, Cyrielle, me suffirait.

Cyrielle Chiron :
C’est bien.

Michael Abbott :
Je n’aurais pas besoin de m’en soucier. C’est ce qu’offrirait un réseau de réseaux. C’est plutôt… c’est comme être le roi des rois. C’est une idée intéressante.

Cyrielle Chiron :
Oui, je comprends l’idée du réseau de réseaux. Donc, Mike, merci beaucoup de vous être joint à moi aujourd’hui. Ce fut un plaisir de voyager à travers les époques, puis de réfléchir à l’avenir et à ce qui s’en vient dans l’écosystème des paiements. Je vous remercie encore une fois d’avoir été des nôtres aujourd’hui.

Michael Abbott :
Je vous remercie de l’invitation. J’ai toujours eu des liens d’amitié au Canada et je suis un grand admirateur de ce que vous y faites, notamment de la conférence de Paiements Canada. Je me réjouis à l’idée d’y assister, et j’espère que ce sera en personne cette année.

Cyrielle Chiron :
Oui, ce serait bien en personne. Merci.

Michael Abbott :
Merci pour tout ce que vous faites.

Cyrielle Chiron :
Comme nous en avons discuté aujourd’hui, l’avenir des paiements se joue maintenant. Pour s’adapter au changement, il faut bien comprendre les besoins et les attentes des clients et en faire notre principale préoccupation. C’est la clé du succès. Merci d’avoir écouté cet épisode de The PayPod, le balado où nous parlons de ce qui se passe dans l’écosystème des paiements. Restez au courant des nouvelles touchant les paiements en vous inscrivant à notre conférence annuelle, le SOMMET de Paiements Canada, sur thesummit.ca. Je m’appelle Cyrielle Chiron, merci de m’avoir écoutée!

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