Interviews

À l’intérieur du centre d’innovation de la BRI de Toronto avec Miguel Díaz

La Banque des règlements internationaux (BRI) a récemment annoncé le lancement de son premier centre du Pôle d’innovation dans les Amériques à Toronto, au Canada. Le centre se concentre sur le développement de l’infrastructure de base nécessaire pour faciliter les nouvelles technologies et l’innovation dans le système financier.

Au cours du sommet de 2024, Jon Purther, directeur, Recherche à Paiements Canada a rencontré Miguel Díaz, chef du centre, Pôle d’innovation de la BRI de Toronto, pour discuter du nouveau pôle et des projets qui l’occupent.


Miguel Diaz headshot
Miguel Díaz
chef du centre, Pôle d’innovation de la BRI de Toronto
Banque des règlements internationaux

Pouvez-vous nous parler du rôle de la Banque des règlements internationaux (BRI) et du Pôle d’innovation?
La BRI est la banque centrale des banques centrales, donc elle fournit des services aux banques centrales. Il y a dix ans, nous avons aidé les banques centrales à répartir la gestion de leurs réserves, à faire des études sur la mise en œuvre de politiques monétaires et plus encore. Mais avec l’évolution exponentielle des technologies, les enjeux ont beaucoup changé, tout comme le rôle des banques centrales. Il y a donc quatre ans, la BRI a décidé de créer le Pôle d’innovation – la branche technologique de la BRI.

Le Pôle d’innovation de la BRI a trois mandats. Le premier consiste à déterminer les technologies qui pourraient avoir une incidence importante sur les systèmes financiers et les tendances qui pourraient nuire à leur stabilité financière. Le deuxième consiste à créer des biens publics pouvant être utilisés et reproduits dans différents territoires de compétence. Le troisième est de susciter un esprit de communauté parmi les responsables de banques centrales pour qu’ils puissent maintenir leurs infrastructures à jour grâce à la collaboration et au partage des connaissances. Pour remplir ces mandats, la BRI a créé sept centres à travers le monde : quatre en Europe, deux en Asie et un en Amérique, qui vient d’ouvrir à Toronto. L’objectif est de recueillir des renseignements de ces différentes régions et de dresser un portrait complet qui permettra d’accélérer l’innovation dans les services financiers.

Lorsque vous pensez aux différents centres du Pôle d’innovation de la BRI dans le monde, qu’est-ce qui vous exalte le plus? Quels sont les projets clés qui sortent du lot?
Le Pôle grouille d’activité. Nous avons 27 projets en cours et 20 projets ont déjà été réalisés. Ces projets touchent six domaines différents : les infrastructures des marchés financiers de prochaine génération, les monnaies numériques de banques centrales, le système financier ouvert, les technologies de supervision et réglementaires, la cybersécurité et la finance verte.

Cela dit, il y a actuellement quelques projets parmi tous ceux que le Pôle mène qui m’emballent particulièrement. Le premier est le projet Mandala, qui vise des solutions automatiques reposant sur des contrats intelligents pour générer la conformité aux lois de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Il y a ensuite le projet FuSSE (pour « fully scalable settlement engine » ou moteur de règlement entièrement dimensionnable), qui vise essentiellement à créer une base qui permettrait le fonctionnement de systèmes de paiement plus rapides avec une grande souplesse en arrière-plan. Le projet Nexus en est un autre : il permet des transactions transfrontalières entre des systèmes de paiement plus rapides. Enfin, il y a le projet Agorá, qui tire avantage des technologies comme la jetonisation pour reproduire la fonctionnalité des règlements.

Pouvez-vous nous parler du centre du Pôle d’innovation qui vient d’ouvrir à Toronto? Qu’est-ce qui figure sur votre liste de tâches pour les 12 prochains mois?
Notre liste de tâches est assez longue, mais notre priorité est de commencer à collaborer avec les entreprises de technologie financière et les institutions financières traditionnelles canadiennes pour cerner des projets qui pourraient servir la collectivité canadienne. Si je pense à des projets en particulier, le projet FuSSE figure dans le haut de la liste. Nous avons hâte de le mettre en œuvre pour que d’autres territoires de compétence puissent commencer à bonifier ses fonctionnalités avec de nouveaux modules. 

Nous réfléchissons aussi à la façon de rendre le processus de surveillance des paiements plus efficace. Avec l’arrivée récente de petites banques et de fournisseurs de services de paiement (ou FSP), il y a beaucoup plus de joueurs dans l’écosystème qu’auparavant. Il y a aussi eu une augmentation de la réglementation en place. Toutefois, le nombre de superviseurs est resté le même, ce qui signifie que les mêmes équipes qui surveillaient jadis 50 banques surveillent maintenant ces mêmes 50 banques et des milliers de nouveaux FSP. Au Pôle d’innovation, nous examinons de quelle façon l’IA pourrait aider les superviseurs à réaliser des économies et des gains d’efficacité dans leurs processus.

Comment les organisations intéressées peuvent-elles participer au travail du Pôle d’innovation?
Nous avons une approche par projet, que nous travaillions avec des entités publiques ou privées. Premièrement, nous déterminons des projets qui pourraient être utiles pour les collectivités. Ensuite, nous lançons un appel aux entités souhaitant participer. En nous basant sur les soumissions reçues, nous évaluons la contribution potentielle de chacun et si une synergie positive pour tous pourra se développer avant de franchir l’étape finale, soit d’officialiser le partenariat. Les gens peuvent également participer en partageant des renseignements et des rapports et en suscitant des discussions collectives.

Compte tenu de votre expérience à la BRI et à la Banque du Mexique, quelles sont certaines des capacités novatrices que vous avez vues dans les systèmes de paiement partout dans le monde? Quelles leçons pourrions-nous tirer d’autres territoires?
Je pense qu’il est extrêmement utile de cerner les solutions qui peuvent être reproduites dans différents territoires. Par exemple, le Mexique dispose d’un système de paiement très rapide qui permet des paiements immédiats pour toute transaction de détail. Le Brésil a Pix, l’Inde a UPI et la Suisse a son propre système de paiement plus rapide. Si nous rassemblons tous ces éléments différents et que nous combinons leurs fonctionnalités, nous pourrions collectivement en arriver à un bien supérieur résultat. On peut reproduire le système de demandes de paiement que le Mexique utilise, la base de données d’alias proposée par Pix ou encore les requêtes d’IPA dont UPI se sert. La clé pour accélérer l’innovation dans les services financiers est l’adoption par notre secteur d’une approche axée sur le code source libre et sur la collaboration en vue de rendre les solutions technologiques de paiement accessibles à tous.


Abonnez-vous au bulletin SOMMET pour connaître les dernières nouvelles sur le sommet, y compris les annonces sur le programme, les promotions exclusives, les ressources du secteur et plus encore.

Continuer à lire